Abus de justice!
Deux affaires de nature apparemment fort différentes me semblent illustrer un phénomène identique très symptomatique de ce que l’on peut considérer comme des abus de justice. Je veux parler des condamnations ‘Abdelkader Merah et de Carles Puigdemont.
Dans les deux cas il apparaît que les institutions judiciaires ont été amenées à statuer, dans le plus grand respect des principes fondamentaux qui fondent nos démocraties : respect de la liberté de conscience des individus, séparation formelle des pouvoirs, indépendance de la magistrature, dans l’application de pénalités inscrites dans le cadre de lois établies selon les modalités parfaitement acceptables dans le respect des droits imprescriptibles de l’homme et du citoyen.
Et pourtant… qui n’est troublé par une condamnation à la peine maximale applicable à un acte donné d’un inculpé à qui l’on n’a à reprocher que ses idées ? Qui n’est frappé de stupeur devant l’inculpation d’un crime passible de trente années d’incarcération à l’égard de personnalités politiques porteuses de revendications d’un parlement régulièrement élu ?
Dans le cas d’Abdel kader Mehra l’inculpation d’appartenance à association de malfaiteurs terroristes n’a pas été formellement prouvée si ce n’est par des convergences idéologiques ; on est conduit à penser que les juges n’ont pas appliqué une peine fondée sur le droit, mais une sanction qui outrepasse celui-ci et va à l’encontre du principe de la liberté de conscience individuelle.
Dans celui de Carles Puigdemont le tribunal suprême applique une loi ancrée sur un dispositif institutionnel qui va à l’encontre du principe de droit d’un peuple à disposer de lui-même.
Dans les deux cas, il m’apparaît assez clairement que la justice s’est substituée au politique qui était mis devant la nécessité de poser les questions de fond : peut-on condamner une idéologie ? Peut-on nier à une population donnée la possibilité de se rendre indépendante d’un Etat dont elle n’accepte pas la domination, aussi douce soit-elle et d’organiser un referendum pour justifier sa démarche.
Nous sommes là devant une faille de l’action politique qui me semble prendre racine dans une incapacité de la pensée occidentale à réviser certains principes considérés comme marqués du coin d’une vérité de nature transcendantale et de ce fait indiscutable comme sont indiscutables les versets du Coran.
Je ne sais pas s’il pourrait être convenable de considérer que la revendication d’appartenance à une idéologie résolument guerrière et meurtrière devrait être assimilée à une déclaration de guerre ni si une remise en question de dispositifs constitutionnels de nos vieux États – nations, par ailleurs à l’évidence inadaptés à la construction d’un État pluri-national que beaucoup appellent de leurs vœux, s’impose réellement, mais ce dont je suis certain c’est que la question mérite d’être posée dans un cadre de débat philosophique et politique et que ces questions ne peuvent être résolues par des décisions de justice susceptibles de faire jurisprudence.
Philippe Araguas.
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…De la langue de bois !
Stendal disait que la parole avait été donnée aux hommes pour dissimuler leur pensée. A l’écoute de certains discours politiques, on se demande si cette affirmation est exacte ou si le jargon employé par les élus et les énarques ne masque pas une véritable impotence à penser.
La langue de bois a été inventée dans le Russie Tsariste. Mais depuis, elle a fait d’immenses progrès. Parlant pour ne rien dire, utilisant un vocabulaire incompréhensible, bourré de mots forgés pour les besoins de la cause, « l’hexagonal » s’apparente à la novlangue de George Orwell qui prévoyait que ce nouvel Espéranto avalerait bientôt tous les autres idiomes de l’humanité. Les discours politiques enchaînent le plus souvent des phrases creuses qui ne font de mal à personne mais font cependant de l’effet si elles sont prononcées avec conviction, du type : « Et c’est en toute conscience que je déclare avec fermeté que l’aspiration la plus légitime de chacun au progrès social entraîne une mission somme toute plus exaltante pour moi qui est l’élaboration d’un plan répondant aux exigences légitimes de chacun et à la satisfaction de ses non moins légitimes revendications »
Certains Premiers Ministres ont été orfèvres de cette langue. Jean-Pierre Raffarin est resté célèbre pour ses formules du genre : « Il faut corriger les effets de la proximité par la cohérence et les effets de la cohérence par la proximité »
Autour de Manuel Macron on évoque les « géotypes », c’est-à-dire les agriculteurs ou les culs terreux, ou la France « dextrophore », ce qui signifie qu’elle a opéré en élisant ce nouveau Président un sacré virage à droite. Ce sont là autant de « circumférences », c’est-à-dire d’expression permettant de tourner autour du pot !
Florence Mothe.
Dans la conférence qu’a donnée cette dernière, le dimanche 12 novembre au château de Mongenan à Portets, elle a évoqué ce gouvernement par le verbe dont rêvait déjà Châteaubriand, en parlant des grands orateurs politiques et de ceux qui ont l’art de faire des discours sans queue ni tête.
Quel est le but de ce nouveau langage ? Doit-il tromper l’adversaire ou enfumer l’électeur, ou dissimuler le vide d’une pensée confrontée à des problèmes si complexes qu’on y perd son latin et même son français.
Entre humour et dérision, révélations et citations, cette conférence a pu susciter des commentaires. Et pour ceux qui n’en ont pas compris toutes les finesses, ils peuvent toujours affirmer avec Robert Beauvais « Que leur énergie conceptuelle est court-circuitée au niveau de sa médiation »
Rappelons que chaque dimanche Florence Mothe continue son cycle de conférences. Pour en savoir plus : Château de Mongenan 05.56.67.18.11