La rive droite de la Garonne a longtemps constitué un atout fondamental pour les populations qui colonisèrent et mirent en valeur l’Entre-deux-Mers ; elles pourraient encore en constituer un des attraits touristiques majeurs si les berges n’étaient devenu au cours du dernier demi siècle une friche difficilement accessible dépourvue de tout sentier permettant d’en tirer la moindre jouissance. Sans remonter au temps des chemins de hallage, les sentiers qui matérialisaient et faisaient une réalité de la servitude de marche pied ont été engloutis dans la rivière consécutivement aux dragages intempestifs qui ont abaissé par endroit d’une dizaine de mètres le fond de la rivière. Celui-ci s’est peu à peu regarni du fait du glissement des graviers provenant du lit majeur et des vases constituées en partie par la dissolution des terres et alluvions arrachées aux berges. Après deux siècles de chenalisation intensive la Garonne a encore, dans les décennies médianes du XXème siècle fait l’objet de quelques enrochements aussi coûteux que malencontreux conduits par les services de l’Etat en charge du domaine maritime qui n’ont fait qu’ entraver le rétablissement des pendages naturels des rives. Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, le désengagement de l’Etat s’est progressivement affirmé au cours des quatre dernières décennies. Dans ce cas de figure précis, il a été masqué par la création d’un établissement public à caractère industriel et commercial dénommé Voies Navigables de France promu par le gouvernement Michel Rocard au début des années 1990.
Les établissements publics sont des monstres hybrides cumulant les inconvénients du secteur public comme le démontre brillamment VNF, surtout depuis la réforme conduite en 2011 qui transforme l’EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial, en EPA, établissement public à caractère administratif.)
En 2017, le budget de VNF dépasse le milliard d’Euros Il (557 millions d’euros de fonctionnement -dont20 millions d’euros pour la masse salariale-, et 522 d’euros d’investissement auxquels s’ajoutent 180 millions d’euros pour les 4 600 fonctionnaires mis à disposition par la Direction des transports du Ministère de l’environnement. A ce budget il conviendrait d’ajouter les apports directs de l’Etat, des collectivités locales et territoriales qui permettent à VNF de se prévaloir d’actions particulièrement séduisantes et de prestige dans une optique de développement durable.
On ne pourrait que s’en réjouir si cela ne se faisait aux dépens de la simple mission d’entretien de la quasi-totalité des 6700 km sur lesquels VNF exerce un pouvoir sans partage.
Il suffit pour mesurer l’incompétence de VNF de parcourir ce qui reste des cheminements piétonniers et des chemins de randonnées mis en place dans les années 90 le long de la Garonne, rive droite ou rive Gauche, entre Bordeaux et Castets-en-Dorthe ; lorsque ceux-ci sont encore utilisables ils ne doivent leur accessibilité qu’au travail bénévole des associations de randonneurs ou des pécheurs ou des occupants des centaines de « carrelets » établis sur des berges par endroits en constant retrait. Le désastre que constitue la fragilisation des berges et des digues qu’elles portent (construites et gérées par les « syndicats des marées » qui réunissent les propriétaires riverains) ne semble guère préoccuper les administrateurs de VNF qui ne prennent même pas la peine d’intervenir là où des particuliers usurpent le peu qui reste de ces cheminements au mépris de la servitude de marchepied encore réaffirmée et renforcée par la loi en 2006.
J’avais pu, dans les années 90, dans le cadre de promenades organisées pour l’association « Les Fans du Mascaret », parcourir les rives droites et gauche de la Garonne entre Bordeaux et Castets ; lorsque vingt ans plus tard, j’ai souhaité reprendre ces itinéraires, je n’ai pu, le plus souvent, le faire, la plupart des cheminements étant interrompus par des effondrements de berges, des organes de franchissement des esteys ou des barrages établis par les riverains qui ne semblent pas avoir jamais eu vent de l’obligation qui leur est faite de laisser une bande de 3,50 m accessibles aux pécheurs ou aux promeneurs.
Mais ce qui m’incite aujourd’hui à formuler ce constat amer par écrit pour les lecteurs des Cahiers de l’Entre-deux-Mers, c’est un puissant sentiment de « ras le bol » suscité par la réception d’un volumineux dossier de renouvellement d’une « convention d’occupation temporaire de domaine public fluvial » pour un ancien carrelet que ma famille occupe depuis au moins une soixantaine d’années ; ledit carrelet a du être reconstruit à plusieurs reprises, la dernière reconstruction ayant été opérée à la suite d’un incendie en 1991. Des 40 mètres carrés de berges qu’il occupait à l’origine, la moitié ont disparus et des poteaux implantés dans la rivière maintiennent tant bien que mal le platelage depuis 2002. Ces trente dernières années, j’ai annuellement acquitté la redevance liée à cette occupation du domaine public, qui passa progressivement de 211 euros en 1990 à 311 euros en 2017, et entretenu dans la mesure du possible ce que la rivière me laissait de berges et le cheminement qui permettait d’accéder à « la cabane ».
Entre temps, le bordereau sur papier pelure que m’adressait en 1996 le comptable de VNF s’est progressivement mué en un dossier d’une trentaine de pages assorti d’un relevé mètré du cabanon et d’images aussi séduisantes qu’inutiles qui ne me semblent pas justifier l’augmentation de plus de 300 % de la redevance dont le montant est fixé, sans aucune explication, à 979 euros 90 pour l’année à venir…
J’ai, bien entendu, écrit à VNF pour demander si il n’y avait pas erreur dans le calcul de la susdite redevance, mais je crains que la réponse du subdivisionnaire dûment habilité à me la réclamer ne soit négative et qu’il me faille conclure que la collecte de la redevance doit être assimilée à une sorte de racket de l’établissement public à caractère administratif chargé par l’Etat de la gestion de notre patrimoine fluvio – maritime…
Je ne manquerai pas de vous tenir informés de l’évolution du dossier, mais dès maintenant je vous invite à signaler sur ce blog les quelques dysfonctionnements que vous pourrez noter dans la mission d’entretien des berges de Garonne…
Philippe Araguas.
Cela fait cher la friture ! Nous payons aussi une redevance à VNF en nous demandons ce qu’ils en font. Des études, parait-il, depuis des décennies pour le canal Seine-Nord, cela occupe des dizaines d’ingénieurs, sans résultat
Pour les amoureux des carrelets sur les bords de Garonne (cabanes de pêcheurs), les VNF sont en train de tuer notre petit patrimoine. Quand on voit partout un souhait de développer un tourisme de charme et de qualité ; d’une autre côté on condamne à une disparition certaine ces jolies petites cabanes ou alors, vue le prix à payer en taxes tous les ans, peut être réservons nous dans un futur proche ces endroits de rêves à ceux qui auront la possibilité de s’offrir un plaisir qui pour rappel est à l’origine un lieu de pêche pour les amoureux de la nature. C’était souvent des ouvriers, des métayers, les prolétaires qui avec un peu d’astuces et quelques planches s’offraient un peu de liberté ou l’on venait se retrouver en famille le dimanche pour déguster le poissons fraichement péché l’alose parfois au printemps …Ou la bonne entrecôte cuite sur des sarments de vignes (non pollués de pesticides).
le montant de la taxe est majorée pour les non pécheurs, si vous prenez une carte de pèche (environ cent euros) elle est réduite de presque un tiers ; en outre vous contribuez au soutien de l’association des pécheurs amateurs qui joue eun rôle important dans le contrôle des ressources halieutiques …
J’observe avec un vif intérêt toutes ces cabanes depuis le pont Mitterrand ou en remontant le long des quais vers les boulevards, leur piteux état interpelle l’historienne qui est en moi et je regrette leur abandon, leur non-entretien comme on voit s’effriter un patrimoine plein de poésie voué à disparaître.
Ce patrimoine doit conserver ses caractéristiques et son sens, et ne doit pas devenir comme sur le bassin, certaines cabanes, un lieu de villégiature de luxe. A quand une politique de sauvegarde et d’aide à leur remise en état ? d’entretien des chemins qui y mènent ? faudra-t-il se résoudre à montrer aux générations futures des cartes postales pour qu’ils connaissent cette particularité régionale ?
NT