L’air du temps est aux bonnets. Peut-être est ce du à l’hiver proche et à ses frimas ?
Depuis quelques jours le bonnet est devenu le signe de raz de bol corporatistes. Les Bretons ont lancé le mouvement en adoptant le bonnet rouge de leurs ancêtres qui, il y a quelques siècles, était déjà le symbole de la révolte contre les seigneurs du cru, prenant, aujourd’hui, le prétexte d’une éco-taxe poids lourds. Rappelons que cette taxe si célèbre aujourd’hui avait été votée à l’unanimité par nos parlementaires, tous unis par cette noble initiative, sous l’ère Sarkozy.
Les bonnets verts leur ont emboîtés « la tête ». Il s’agit là des usagers des transports publics qui refusent, par avance, l’augmentation de la TVA sur les tarifs prévus en janvier.
Attendons encore un peu. Les élections sont proches et gageons que les abstentionnistes de tous bords plébisciteront les bonnets blancs qui valent autant que les blancs bonnets.
Cette mode du bonnet aura au moins un avantage, celui de relancer l’industrie de la bonneterie.
Mais revenons à cette éco- taxe, dont l’objectif initial est d’introduire progressivement une fiscalité environnementale pour répondre aux aléas climatiques et financer les infrastructures de transports en reversant, entre autres, une quote part aux départements qui ont en charge la majorité du réseau routier français ; réseau routier largement emprunté par les poids lourds qui sont les principaux responsables des dégradations de la chaussée, pour l’instant financées par les contribuables !
Pour les bonnets rouges, cette éco-taxe est devenue leur bouc émissaire, responsable de tous leurs maux dont souffre actuellement l’agro-industrie bretonne. S’il est vrai que pour la première fois depuis la guerre, cette dernière se fait tailler des croupières par l’Allemagne , celle-ci acquitte, toutefois, et ce depuis 2005, une éco- taxe poids lourds sur un réseau beaucoup plus important que le nôtre ce qui n’a pas l’air de mettre en péril sa compétitivité !
L’exportateur de volailles breton Tilly Sabco menace de mettre la clé sous la porte au prétexte que l’Europe va supprimer les subventions à l’exportation de poulets congelés qui représente 90 % de son chiffre d’affaires. Pendant le même temps le Brésil exporte chez nous 44% des poulets que nous consommons sous des formes diverses accommodées aux sauces de la Grande distribution, nos concitoyens ignorent, peut être, que cette importation massive volaillère brésilienne provient de l’élevage de Charles Doux (marque Père Dodu !) Ce dernier en 1998, déjà, a délocalisé une partie de sa production au Brésil en rachetant le troisième volailler d’ Amérique du Sud « Frangosul », achat financé en partie par des emprunts octroyés par des banques pour combler des découverts en France[1]. Cela fait deux ans déjà que la Société DOUX en France est en redressement judiciaire et actuellement en passe d’être rachetée par une société saoudienne, rachat qui laissera bien sur le carreau quelques ex-salariés Doux et fera probablement bénéficier le prochain propriétaire de quelques subsides publics, pour le remercier de sauver, a.minima, ce désastre ! Schéma classique!
On peut se demander naïvement pourquoi ce producteur de volaille « made in France » ne s’est pas d’abord soucié de nourrir ses concitoyens ? Peut-être eut-il fallu avoir une autre vision du métier : privilégier la qualité avec en corollaire le bien-être des poulets plutôt que de courir après les subventions européennes, synonymes de productivité donc de quantité et de scandaleux élevages en batterie avec en corollaire la dégradation de l’environnement et des nappes phréatiques bretons ; sans compter la casse sociale, les licenciements en masse et l’appel aux aides financières publiques !
Les volaillers ne sont pas seuls, les producteurs de porcs sont aussi dans la rue et cela nous ramène aux bonnets rouges des salariés des abattoirs de GAD. Ces abattoirs ferment et c’est un drame pour tous ceux qui y travaillent. Mais pourquoi ferment-ils ? Parce le transport routier est tellement peu onéreux qu’il est plus rentable de transporter (et dans quelles conditions) nos petits cochons pour aller se faire trucider en Allemagne ou ailleurs, là où l’on pratique le dumping social !
Félicité qui ne manque pas de bon sens, se dit, que si ces mêmes camions payaient cette fameuse éco- taxe, peut être que nos petits cochons pourraient toujours être abattus là où ils sont nés !
Félicité a vu aussi les images de ces bonnets rouges défonçant les grilles de la sous-préfecture, mettre le feu dans la cour…devant tant de violence, vite on a prévu une réunion au sommet, vite le Ministre de l’agriculture a fait des promesses s’engageant à faire changer d’avis l’Europe…violence et violence, et là aussi deux poids, deux mesures. Imaginons la même scène générée par quelques jeunes chômeurs, bronzés et à capuche…Félicité voit déjà très bien les titres et manchettes des gazettes « …La Bretagne à feu et à sang…les voyous casseurs ne font pas de quartier et s’attaquent aux symboles de la République, …les meneurs ont été arrêtés et présentés en comparution immédiate devant la justice, etc…»
Douce France, beau pays de mon enfance…
Félicité.
[1] Sources : « La violence des riches, chronique d’une immense case sociale » (.26-27) Editions Zones. De Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, sociologues, anciens directeurs de recherches au CNRS.