La communauté de communes du Vallon de l’Artolie regroupe neuf communes : Tabanac, Le Tourne, Langoiran, Lestiac ,Paillet, Rions, Villenave de Rions, Cardan et Capian. Félicité qui arpente pédestrement : sentiers, chemins, à travers palus et coteaux, le long des « estey », des rives de Garonne (ce depuis si longtemps, déjà !) connaît tous les contours et détours de ces bourgs villageois.
Félicité regarde, observe, note tous les changements survenus, si nombreux au fil des décennies, dont certains si dommageables sur l’intégrité de ces lieux historiques et emblématiques de l’Entre-deux-Mers. Justement ce jour là, beau temps frais, beau soleil, belle lumière d’automne, Félicité longe, à Langoiran, les bords du grand estey du Gaillardon, celui là même qui sépare Langoiran du Tourne, véritable frontière entre ces deux communes qui se reflètent en miroir et dont les édiles se font peu ou prou « la gueule » depuis le Vème siècle !
Félicité se baguenaude : il y a le décor, la vue et l’odeur ! Le décor : magnifique et délabré des anciennes maisons de pêcheurs du XVIIème siècle. La vue : celle des poubelles pleines en vrac, celle de la chaussée encombrée d’objets divers, oubliée semble t-il des services d’entretien. L’odeur : c’est celle putride des débris alimentaires exhalant au soleil, jetés là pour servir de pitance aux multiples chats bigarrés qui prolifèrent allégrement,et vous regardent passer avec leurs yeux chassieux. Félicité se dit que le quart monde n’est pas loin et poursuit son chemin jusqu’au port. Le port et l’ancien relais Saint Martin, le port et son pont métallique dit Eiffel, le port et peut être la plus belle échappée visuelle sur la Garonne , le port et la décrépitude ambiante.
Félicité se souvient que le port et le centre ville historique ont été déclarés un jour ZPPAUP soit une Zone de Protection du Patrimoine Architectural Urbain et Paysager[1] et à ce titre mériterait toutes les attentions. Félicité parcourt la rue principale complètement sinistrée, sinistre d’ailleurs programmé à partir du moment où fut décidé d’installer un Intermarché à la périphérie de l’agglomération sur la D.20. Oui, Félicité se souvient, elle a connu là : une supérette Casino avec sa boucherie- charcuterie et la maison de la presse. Dans la même rue : deux boulangers pâtissiers, une bijouterie, une librairie,deux charcuteries, deux boucheries,un antiquaire, un réparateurs d’appareils ménagers, un café, deux pharmacies, une banque, une épicerie, quelques coiffeurs, sans compter cet extraordinaire magasin qui vendait tissus en tous genres, toiles cirés, vêtements de travail, bottes, pantoufles, mercerie etc…véritable caverne d’Ali Baba dont la clientèle venait de tout le canton…La supérette a été remplacée par un immeuble d’habitation prétentieux véritable verrue architecturale et dont les magasins restent désespérément à louer, le reste a pratiquement disparu ne laissant que le spectacle affligeant de rideaux baissés .
Félicité se demande en quoi ces Langoironais ont-ils tant démérités pour mériter tant de négligence voire d’indifférence? N’est-il pas préconisé dans le PLU de la commune « la réhabilitation de certains quartiers anciens » ?
Monsieur le Maire de Langoiran a pourtant un grand souci du devenir de sa commune, et « un penchant pour son développement afin d’accueillir de nouvelles familles… » Ne l’a-t-il pas démontré, récemment, en souhaitant annexer « le Stade Alain Giresse » pour le transformer en éco- quartier, car Monsieur le Maire est « écologiste », il est vrai selon les opportunités ! Aujourd’hui Monsieur le Maire affirme que le projet est abandonné…jusqu’en 2014 ! En 2014 ce sont les élections municipales et gageons que si Monsieur le Maire est réélu un autre projet verra le jour. Ce carré d’herbe plus ou moins vert, cet espace de respiration pour la population, ses jeunes et ses moins jeunes, est tellement tentant pour « densifier ».
Félicité s’étonne car Monsieur le Maire ne peut ignorer la loi donc le régime juridique applicable aux biens des collectivités territoriales .Or ces biens sont inaliénables, insaisissables et imprescriptibles. Ils comprennent outre la voirie communale ou départementale, les églises et les cimetières, les locaux ouverts au public ou au usagers des services publics soit : mairies, stades, collèges, lycées etc…Par conséquent ce stade si convoité ne peut par juridiction que rester stade !
De plus Monsieur le Maire qui est aussi Monsieur le Notaire ne peut méconnaître que ce dernier a en son étude les termes du contrat de vente de la parcelle du stade à la commune de Langoiran en date du 9 octobre 1947 qui stipule des conditions spéciales dont celles-ci :
«…1°- le terrain ci-dessus désigné est vendu à destination de terrain de sport, sans autre affectation possible, et toutes les sociétés sportives de Langoiran devront y être admises sur un pied d’égalité…
2°- si par une raison quelconque la commune de Langoiran décidait quelque jour de revendre ce terrain Madame…ou ses héritiers et représentants en ligne directe auraient pour en faire l’acquisition un droit de préférence à toute personne à prix égal… »
Monsieur le notaire ne peut pas ne pas savoir non plus qu’un acte de vente de février 1983 a été passé portant sur une micro parcelle de quelques centiares dépendant de la surface du stade. L’héritière du moment a donné alors son accord à la vente « …du fait qu’elle porte seulement sur quelques mètres carrés de terrain pour permettre l’établissement d’une ligne séparative…
Réserve expressément tous les droits résultant à son profit de la clause sus relatée, insérée dans l’acte de vente du 9 octobre 1947. L’accord qui vient d’être donné ne pouvant en aucun cas créer un précédent pour le morcellement du terrain de sport… »
Félicité poursuit sa balade et rêve : « 2014 c’est pratiquement demain !Et si Monsieur le Maire, pressentant que ses administrés d’aujourd’hui mais électeurs de demain risquent de le renvoyer dans sa très chère étude notariale ,savait, tout à coup, raison garder et penser que ce stade au nom glorieux mérite bien « une messe », soit une rencontre avec l’ensemble de la population Langoiranaise, et au-delà de la Communauté de communes du Vallon de l’Artolie pour mettre en œuvre un groupe de travail, définir un vrai projet : celui de sa remise en état, rechercher des financements potentiels, en s’appuyant sur toutes les forces vives et les bonnes volontés de la société civile ?». Félicité imagine déjà le sémillant Monsieur le Maire, en culotte courte, sur un terrain restauré, donner un magistral coup de pied au ballon rond pour ouvrir le match, sous les vivats de toute une population. Voilà qui aurait du panache ! Ce geste ne ferait-il pas entrer le premier élu de la commune dans l’histoire locale pour la prospérité ? Evidemment, selon toutes probabilités, Monsieur le Notaire se sentirait quelque peu marri d’avoir vu lui échapper de potentielles transactions immobilières, normal, cela fait aussi partie des risques du métier !..Néanmoins, .il pourrait se consoler en pensant que l’autre partie de lui-même a contribué au bien public.
Félicité médite : et si tout cela n’était qu’une fable, voire une pantalonnade qui pourrait s’intituler « de la difficulté de ménager la chèvre et le chou ».
Félicité.
Bravo Félicité, merci d’avoir mis les pieds dans le plat. C’est vrai que par ailleurs, il doit y avoir de la schizophrénie quelque part ne serait-ce qu’être maire le matin et notaire l’après-midi ou l’inverse.
Norbert
PS : petite erreur au passage, le Valon de l’Artolie regroupe 9 communes mais n’en reste pas moins une communauté de communes croupion avec guère plus de 8700 habitants
Merci de nous avoir signaler “cette fatale erreur”, effectivement la communauté de communes du Vallon de l’Artolie regroupe neuf communes, comme nous l’avons rectifié dans l’article, merci aussi pour votre fidélité aux Petits Cahiers.