Il est des mots, des locutions qui tout à coup s’installent dans le paysage langagier, s’y incrustent, tournent en boucle, sont repris au vol par les media, affolent les réseaux sociaux, envahissent toutes les conversations jusqu’à ce que saturation s’ensuive. Alors ils disparaissent, remplacés, impromptu, par d’autres générés par une actualité événementielle malheureusement trop souvent tragique !
Après l’assassinat de nos « Charlie » provoquant sidération, larmes et chagrin, quatre millions de personnes ont défilé, serrées les unes contre les autres, précédées par une cohorte de chefs d’Etat, dont certains avaient oublié pour un temps court qu’ils se faisaient la gueule ou la guerre depuis belle lurette !
C’est à ce moment là, se souvient Félicie, que le « Le Vivre ensemble » s’est installé dans les discours de ceux qui nous gouvernent, au plus haut sommet de l’Etat. Petit à petit cette injonction du « Vivre ensemble » s’est vue accompagnée par les « Valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité » auxquelles très vite fut associée « laïcité » ce socle cardinal du « Vivre ensemble » à la française.
Ils courent, ils courent les mots au fil des phrases et des discours. Félicité les entend, les écoute, ces mots là elle les trouve beaux et éloquents évoquant une partie de la grande Histoire de France. Ils sont fils du temps des Lumières, de celui de la naissance « des droits de l’Homme », ils sont aussi les ennemis de ceux qui sèment la terreur au nom d’une barbarie qu’ils ont déifiée. Ceux là même qui ont renouvelé leur sinistre dessein à Paris en novembre…
C’est à partir de ces instants que le « Vivre Ensemble » a commencé à être perturbé par d’autres mots venus semer le doute et peu à peu envahir les discours ambiants. Le mot « Nationalité » brandi comme un étendard passe-partout par certains groupes politiques a commencé à s’imposer chaque jour un peu plus, jusqu’à être bousculé par son double « bi-nationalité » ! Cela aurait pu en rester là. C’était sans compter que dans ce pays du verbe qu’est la France, les mots ne sont pas toujours ni si innocents, ni si héroïques ; il en est qui peuvent déclencher aussitôt des débats virulents, telle « la déchéance de la nationalité » pour peu qu’elle soit malheureusement associée à la « bi-nationalité »- A lui seul le petit préfixe « bi » a contribué à échauffer les esprits, à blesser profondément tous nos binationaux qui se sont sentis, soudain, exclus du champ égalitaire de cette France qu’ils avaient choisie, ou qu’ils avaient reçu en héritage de leurs parents venus d’ailleurs. Ils ont eu le sentiment qu’ils étaient considérés comme des Français de seconde zone, pouvant être suspectés, voire capables, du pire Il n’en fallait pas davantage pour que « Le Vivre ensemble » si fragile, se fracture un peu plus entre les pour et les contre un projet de loi qui doit être soumis prochainement au Parlement.
Félicité tout en écrivant cet article écoute d’une oreille distraite la radio de service public et apprend que Madame Taubira vient de donner sa démission en tant que Ministre de la Justice. ne pouvant se résoudre à accepter l’éventualité soit d’une “déchéance de la nationalité” , soit “d’une déchéance de la citoyenneté”, c’est selon, inscrite dans le marbre de notre Constitution. Ces mots là vont à l’encontre de ses convictions , de ses principes et elle estime que leur intégration constitutionnelle peut être potentiellement dangereuse pour l’avenir de notre démocratie. Félicité pense que l’avenir n’est jamais exempt de mauvaises surprises. Il n’est que de se souvenir de l’Histoire récente de l’Europe!
Félicité