Elle dans les années 1950.

Posté le 28/01/2016 dans Bibliographie.

Lysiane Rolland vient d’entreprendre l’écriture d’un nouvel ouvrage intitulé ” 60 ans à vol d’oiseau, d’un millénaire à l’autre” dont elle nous offre un extrait en primeur. En parcourant ces 60 ans passés, du XXème siècle, elle évoquera tout un monde si proche et pourtant qui parait si loin pour les jeunes générations , un monde de bouleversements de vie majeurs, de création, d’inventivité, en fait le début d’un monde nouveau précurseur de celui du 21ème siècle.

…La grand-mère est une magicienne, elle transforme les crapauds que sont les aléas de la vie en merveilles. Avec sa pension de guerre, elle a offert à la famille la télévision. Certes, ce cadeau lui est d’abord destiné, désormais de son lit de paralytique, elle aura le monde diffusé par ce miroir vert qui contient le monde. Mais, du coup, la petit aura Yvanohé le jeudi-après midi, Dumas et Victor Hugo dispensés par Claude Santelli et les soirées avec les voisins subjugués par “La Piste aux étoiles” ou par “L’Ange blanc” terrassant “Le bourreau de Béthune”.

Grand-mère Marie Louise est le contraire dune aïeule indulgente, cultivée et amère d’une vie flouée, elle ponctue ses conseils de chiquenaudes cinglantes à l’aide de son fin bambou toujours à portée d’elle. Il lui sert à atteindre le désormais inatteignable depuis son lit “tribune”.

-“Je m’ennuie!” dit la petite à l’instar de tous les enfants.

-“C’est que tu es idiote!” rétorque Marie-Louise.

Il arriva qu’un jour sa mère, en étroite complicité avec sa belle-mère, en sororité toutes deux dans les forfaits féminins de l’époque : forfaits de dettes chez les commerçants, de menus secrets à cacher aux hommes, comme l’adoption d’un chaton de plus dans une maison qui en compte déjà une bonne demie douzaine, commande intempestive dans un catalogue payable à crédit, il arriva donc que sa mère ajoute:

-“Bientôt, tu ne t’ennuieras plus puisque tu vas aller à l’école!!”

-“Veux pas y aller” est la réponse immédiate de la fillette! –

Mais elle ira à califourchon sur le solex de son père. Elle sait que les années à venir vont être terribles. Elle le sait car elle a une réputation d’enfant difficile. Hormis ses parents dont elle est la consolation d’après guerre, tous s’accordent à dire:

-“ Mais, quel caractère!” -“Vous n’êtes pas assez sévères!” – “Mais c’est qu’elle vous répond!” -“Ah! mais tu vas voir à l’école cela ne se passera pas comme ça!”…

Alors elle arrive devant le bâtiment redouté les cils embués de larmes et un pavé dans le ventre.

Elle ne sait pas que pour cette première année, la vie , qui parfois, peut être étonnante de bienfaits, va lui offrir comme maître d’école, Roger  Castetbon, jeune instituteur magnifique et bienveillant, pionnier des méthodes “Freinet”! Elle ne sait pas qu’il va lier pour toujours l’apprentissage à la joie et que personne, après lui, ne pourra détruire cela.

Ce premier jour de cours préparatoire, elle n’échappe pas aux quolibets de ses futurs compagnons de classe:

-“Je parie que tu  sais pas combien font 2 et 2 !” la provoque un garçonnet fluet en tablier gris. Elle sent une main sur son épaule : ” C’est difficile le premier jour hein Lysou!” dit le maître qu’elle a tant appréhendé.

Elle n’a plus peur de cet encore jeune homme qui, pour qu’elle dorme à l’heure de la sieste, la tête enfouie dans ses bras croisé sur le pupitre penché, assis à côté d’elle, lui ferme les paupières une à une. Avec détermination elle ouvre l’œil non maintenu pour apercevoir entre ses cils ce doux visage souriant, puis sombre dans une paix bleue, sécurisée.

Elle ignore que tout en dispensant le savoir dans les têtes de ses élèves, Roger Castetbon a la sienne ailleurs. Il redoute son départ pour l’Algérie où sévit une guerre qu’on ne nomme pas ainsi alors, on dit plutôt : évènements, mesures de pacification, opérations de maintien de l’ordre.

Lorsque près de soixante ans plus tard, elle lui dira que cette première journée et année d’école en sa compagnie furent déterminantes pour son histoire personnelle, et également pour toute la classe, il lui confiera son étonnement; il arrive qu’on sème sans le savoir, les graines s’échappent de notre cœur à notre insu. Comprenant, que ce qu’il avait été pour elle et les enfants de cette classe en cette année 1958, procéda plus de sa nature profonde que d’un choix éducatif; elle l’en estimera d’avantage.

Lysiane Rolland

Extrait et primeur de “60 ans à vol d’oiseau, d’un millénaire à l’autre” parution prochaine.

 

Petits mondes familiers.

Contes poétiques de Lysiane Rolland avec des illustrations d’Emma Rolland-Smili. “Lysiane Rolland écrit et conte. Emma Rolland-Smili dessine. Après “Les contes de jardin”, les voilà de nouveau complices pour une nouvelle aventure avec ces “Petits mondes familiers” où la mère (Lysiane) et la fille (Emma) s’en donnent à cœur joie pour cette recherche des trésors oubliés au fond des cabanes de jardin et dans le mystère des greniers et des tiroirs.

Histoires pour les enfants mais aussi pour les Grands qui retruveront dans ces petits riens le parfum d’autrefois.

Petits Mondes Familiers – Editions Le Serpolet, collection Graminées jeunesse, prix 10 euros .De Lysiane Rolland, illustrations d’Emma Rolland -Smili, couverture Jocelyn Rolland.

 


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