Les Grandes heures.

Posté le 20/01/2014 dans Histoire.

 

poili écrivant 002Cette année 2014 sera celle de la commémoration du centenaire de la déclaration de la guerre 14-18, première guerre mondiale qui devait être la Der des der mais malheureusement préfigurait les nombreux conflits qui allaient s’ensuivre au cours du siècle suivant.

Tout au long de cette année 2014, vos petits Cahiers, sur chacun de ses numéros, reprendra quelques articles parus dans l’ILLUSTRATION (année 1915), cette revue qui était à l’époque, une sorte de précurseur de « Paris Match », avec le choc des photos,  mais aussi des aquarelles si réalistes que l’on doit aux plus talentueux artistes de l’époque.

Ce premier numéro de l’année 2014, des Cahiers de l’Entre-deux-Mers, reprend un éloge fait à l’époque  aux lettres des « Poilus ». Aujourd’hui, les Archives nationales et Départementales font un appel aux familles pour leur envoyer les lettres, plus ou moins oubliées dans quelques tiroirs, au fond des greniers, afin de les scanner en vue de leur conservation « ad vitam aeternam » en tant que témoignages mémoriels pour les générations futures.

Ceci  nous amène à nous interroger. A l’heure du tout  informatique, où, de plus en plus, le papier, voire l’écriture discursive sont considérés comme moribonds, que restera –t-il à transmettre aux générations futures en 2114 ? Que sauront elles sur les enjeux et conflits mondiaux passés, et plus prosaïquement sur la vie quotidienne des terriens : leurs amours, leurs états d’âme, leurs désirs et aspirations, leurs tristesses et désespoirs…Aujourd’hui, connectés en permanence le temps d’un instant si éphémère, parce qu’une information chasse l’autre avant qu’elle n’ait eu le temps de s’inscrire dans la  mémoire collective, comment se souvenir de ce qui fut. Ces milliards de messages virtuels échangés chaque jour se perdent dans le cosmos, oubliés à jamais car aucun tiroir, aucune malle, ou fond de placard, ou secret d’un grenier ne sauraient les enfermer !

Eloge aux lettres des Poilus…

 Qui ne les connait, ces lettres bienfaisantes, miraculeuses ? Nous en recevons des nôtres, et nous en lisons d’inconnus qui nous touchent comme si elles nous étaient destinées. Elles n’ont toutes qu’une même adresse à laquelle elles vont directement dès qu’elles portent les deux initiales qui les timbrent du signe magique : F.M  Franchise militaire…Impossible de mieux dire. D’où qu’elles viennent, elles la respirent. Elles sont franches, loyales, jamais équivoques, toujours pures. D’un bourgeois, d’un noble, d’un plébéien, d’un artiste, ou d’un ouvrier, d’un savant ou d’un rêveur, elles renferment la même leçon, donnent le même exemple.

Lettres de combattants, lettres de soldats et de chefs, de blessés, de prisonniers, les unes graves, la plupart gaies d’une verve intrépide et légère qui glisse exprès pour esquiver l’emphase, certaines sublimes de grandeur et de simplicité, tracées partout, à l’aube, en plein midi, au triste crépuscule, à la lueur d’un falot, d’une petite lampe électrique, au son du canon ou dans l’armistice du silence…vous constituerez plus tard la véridique et prodigieuse histoire morale de cette guerre.

En même temps que les fils, les petits fils, pendant bien des années, vous auront tour à tour exhumées du fond des tiroirs où vous avaient rangées par dates et nouées par paquet les mères à cheveux blancs…et qu’ils vous auront lues, relues, er replacées pour y dormir encore, dans vos saintes cachettes, près des vieux portefeuilles, des boites d’autrefois, des écrins défraîchis, contre les papiers de famille, des actes,   les contrats, les testaments, tout ce qui sent le passé, rappelle l’enfance et la mort …en même temps ; lettres à cette époque doublement précieuses et vénérées, vous serez tombées dans le glorieux domaine public de l’admiration et du respect. On vous saura par cœur.

Vous formerez les Pages choisies de la Postérité. Embaumées par l’esprit et l’âme de la race, vous serez devenues classiques, gardant la fière structure et l’incorruptible couleur des sentiments français qui vous a enfantées.

Henri Lavedan.

Extrait du n° 3783 de L’Illustration paru le 4 septembre 1915.


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