Très chère Energie

Posté le 16/03/2012 dans La petite chronique.

Ce matin là, Félicité s’est réveillée bon pied, bon œil. Un soleil printanier était au rendez-vous. Plus de neige, fondue, disparue. La période glaciale, quasiment glaciaire, était terminée et les prémices du printemps commençaient à être visibles. Bref, Félicité était « ben aise », jusqu’à l’instant où elle a ouvert la radio et tout naturellement s’est retrouvée au cœur de l’actualité. Au menu, les lamentables débats des candidats à la présidentielles où l’invective tient lieu de programme et où elle découvre que NKM (Nathalie Kosciusko-Morizet) ministre de l’Ecologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement, est promue Porte-parole de la campagne du président -candidat et par conséquent, abandonne du même coup son ministère qui rejoint le giron de Matignon.

Félicité, qui n’est pas née de la dernière pluie, se dit que voilà une bien belle manière de faire s’évaporer un ministère qui ne pose que des problèmes car devant répondre à des questions à problèmes, comme, par exemple, celui concernant la filière du nucléaire civil. Un récent rapport de la Cour des Comptes met en évidence son coût réel et les chiffres pharaoniques tant des investissements faits que ceux à faire pour maintenir un parc vieillissant, pour éventuellement le renouveler ou le démanteler.[1]

En mettant son grain de sel dans la soupe nucléaire, la Cour des Comptes laisse bien entendre que celle-ci risque de devenir de plus en plus une soupe à la grimace, de plus en plus difficile à digérer pour le budget de l’Etat et par là même des Français. Sujet d’actualité pour certains d’entre eux déjà confrontés à la précarité énergétique ![2]

En attendant les futures purgations budgétaires, Félicité s’est ralliée à la lapalissade  suivante : « l’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas » Par conséquent elle suit au plus près les recommandations de l’ADEME. Elle a acheté des ampoules basse consommation, elle maintient une température ambiante à 19° (ce qui lui vaut la désertion de ses amis « culs gelés » qui reviendront, disent-ils, quand les jours seront plus cléments) elle a isolé son logis, elle éteint ses appareils informatique lorsqu’elle ne les utilise pas, ne fait fonctionner ses lave-linge, lave vaisselle que le soir aux heures creuses EDF… et elle « propagande » son entourage sur les vertus de la sobriété énergétique !

Toutefois, tous les soirs en fermant ses volets, elle est éblouie par l’éclairage de l’Intermarché situé à 300mètres et qui est illuminé toute la nuit tel un aéroport international et outre la pollution visuelle avérée elle se demande combien cette aberration consomme de kw pour éclairer de nuit la campagne environnante pendant toute l’année  ! Elle observe que dans les villages alentours de plus en plus de maires équipent leurs communes de panneaux sur pied, très moches, éclairés jour et nuit, destinés à informer la population en général pour lui rappeler le jour, l’heure et la température du moment !  Que dire de l’affichage publicitaire dans les villes, où pullulent les panneaux déroulants, mobilier urbain voire panneau video-pub[3]. Mais sur ce dernier point, Félicité ne se fait aucune illusion. Les liens incestueux qui unissent les afficheurs aux  élus, particulièrement ceux des grandes villes, sont si étroits que la situation n’est pas prête de s’améliorer !

Félicité se dit qu’il serait grand temps que l’on imite cette Allemagne qui est, pour l’instant le meilleur élève de l’Europe, en équipant, dans un premier temps,  au moins, les bâtiments publics, écoles,  gymnases, les toits des grandes surfaces et autres,  de panneaux solaires les transformant en mini centrales indépendantes récupérant ainsi une énergie gratuite.

Elle en était là de ses réflexions quand elle apprend, divine surprise, qu’une subvention de l’ADEME d’un montant de 20 millions d’euros était débloquée afin d’aider les communes de moins de 2000 habitants pour les aider  à rénover leur parc d’éclairage public (rues, places, jardins, parcs) et ainsi maîtriser leur facture d’électricité, Il est vrai que celle-ci est particulièrement salée. et pour cause.Plus de 50% du parc est équipé de lampes énergétivores dont les lampes à vapeur de mercure (qui seront interdîtes par le règlement européen à partir d’avril 2015, autant dire demain).On estime à neuf millions le nombre de points lumineux de l’éclairage public, ce qui représente une TWh annuelle comptant pour la moitié des consommations d’électricité des communes ! Comme l’aide promise est surtout destinée aux 31900 communes de France de moins de 2000 habitants, Félicité se dit que l’Entre-deux-Mers devrait largement en bénéficier compte tenu du nombre important de petites communes que compte le territoire, quand bien même la somme allouée à chaque commune est limité par un certain nombre de contraintes.[4]

Et comme Félicité est optimiste, ce qui est une vertu rare à notre époque, elle se réjouit de ce qui n’est pour le moment encore qu’un début mais qui pourrait présager de changements de comportements de nos très chers élus à l’avenir, puisque l’on sait déjà que cette mesure ne suffira pas pour assurer le renouvellement du parc jugé obsolète. Donc espérons que cette année 2012 soit celle d’un succès franc et massif et puisse être reconduite les années suivante.

Félicité.

 


[1] Les 58 réacteurs en activité ont coûté 96 milliards d’euros (valeur d’euros 2010) –hors construction de Superphénix- le montant total des installations nécessaires à la production d’électricité nucléaire  a coûté 121 milliards d’euros. Le coût de construction de l’EPR de Flamanville est estimé à 6 milliards d’euros .Les charges annuelles d’exploitation pour EDF sont de 8,9 milliards. Quant aux coûts de gestion à long terme des déchets radioactifs ils sont estimés à 36 milliards en 2009.

En 2030, 22 réacteurs auront atteint 40 années de fonctionnement, il faut donc décider, d’ores et déjà, des investissements nécessaires soit pour les remplacer par des réacteurs nouvelle génération, soit par des énergies alternatives, soit prolonger leur durée de vie. (Sources Cour des Comptes)

 

[2] 3,8 millions de ménages ont un taux d’effort énergétique (TEE) supérieur à 10% de leur revenu.

621.000 ménages ont un TEE supérieur à 10% et naturellement souffrent du froid. Environ 600.000 foyers  bénéficient d’un tarif social électricité et gaz.  (sources Fondation Abbé Pierre)

 

[3] Par exemple : un grand panneau video-pub dans le métro consomme 6000 kw par an, soit l’équivalent de la consommation des appareils ménager de deux familles pendant une année !

[4] Le nombre de points lumineux subventionnés est limité à 50 par communes, concerne prioritairement les luminaires type »boule » ou avec lampes à vapeur de mercure.


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