DICKO et les caïmans.

Posté le 05/09/2012 dans La petite chronique.

Comme tous les matins, Félicité écoute les infos à la radio. Pas vraiment de scoop : la crise = La Grèce dans les abysses, l’Italie en suspension, l’Espagne en apnée. Le chômage en hausse, le moral des Français en baisse. Les finances en forme, la spéculation au top et blablabla…Puis, brusquement, un fait divers s’invite qui fait tendre l’oreille à Félicité, non pas qu’elle soit sourdingue, enfin pas encore, c’est seulement pour expliquer que son attention est tenue en éveil par les propos de la journaliste qui rapporte d’une voix suave «  Le gardien des caïmans de Yamoussoukro a été dévoré pour une photo ! »

Que diantre, voilà un fait divers qui eut nécessité quelques explications complémentaires, que l’on s’y attarde un peu plus que quelques secondes avant de passer au sujet suivant. Il est vrai, que par les temps qui courent, qu’est ce que la vie d’un pauvre bougre, qui plus est, natif de Côte d’Ivoire dont Yamoussoukro est la capitale.

Il se trouve que « le lac aux caïmans » est avec la basilique Notre Dame-de-la-Paix, l’un des sites les plus fréquentés par les touristes, de cette ville située au centre de la Côte d’Ivoire.

Il se trouve qu’il eut mieux valu pour ce malheureux Toké Dicko, car tel est son nom, qu’il fut bedeau en la cathédrale plutôt que gardien des caïmans d’un lac si bien nommé ! Il n’aurait pas eu affaire, alors, à un touriste, dit européen par la speakerine, aussi inconscient qu’imbécile pour lui proposer cinq euros pour descendre dans la fosse aux sauriens et s’y laisser photographier avec la queue d’un caïman dans la main.

Ce jour là n’était pas son jour de chance, car pendant sa prestation un animal lui a saisi un pan de son boubou, ce qui n’avait pas vraiment émotionné notre homme d’expérience, n’avait-il pas 36 ans de métier à son actif ? Il avait simplement sorti sa machette, s’était libéré et tout aurait pu en rester là, sans le sort funeste qui le fit glisser, perdre l’équilibre et quasiment  tomber dans la gueule du plus ancien, du plus énorme des caïmans, baptisé d’ailleurs « Chef de cabinet ![1] », qui l’a saisi, entraîné au fond de l’eau et dévoré illico, en pensant peut être «  Que la vengeance était un plat qui se mangeait froid et que cela faisait 36 ans qu’il attendait ce moment là ! ».

Cette fable vraie et sinistre est tout à fait significative de notre monde actuel, générateur de ce tourisme affligeant dans ces pays pauvres où un occidental imbécile peut faire risquer la vie d’un homme pour 5 euros. L’histoire ne dit pas si l’imbécile en question a photographié aussi la dévoration du malheureux, se réjouissant déjà, lorsque revenu dans son pays nanti, du succès qu’il aurait en projetant , cet hiver, ses photos souvenirs devant quelques familiers, tout en buvant l’apéro et grignotant chips et cacahuètes !

Félicité.

 

 



[1] Ce qui en dit long sur l’estime que l’on porte aux hommes du pouvoir dans ce pays !


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