Emmanuel et le syndrome de Fabrice

Posté le 16/05/2019 dans Edito.

Il est bien né, il séduit tous ceux qui l’approchent, il aimerait aimer mais n’aime vraiment que lui et poursuit une réalité fantasmée qui n’existe que dans son imagination et l’isole du monde et des autres. Les heurs et malheurs de l’existence ne l’atteignent pas : les uns lui sont dus… les autres ressentis comme des occasions de vérifier sa bonne fortune. Fabrice del Dongo est sans aucun doute le plus charmant des protagonistes de l’histoire littéraire. Tous les lecteurs de La Chartreuse de Parme ont pour lui les yeux de Gina duchesse de Sanseverina, sa tante et bonne fée. Il n’en fait qu’à sa tête, vogue de bonne aventure en bonne aventure, devient chevaleresque et criminel par accident et trouve son chemin de Damas à l’entrée de la prison. Clélia Conti lui donne l’occasion d’aimer, mais ce qu’il aime avant tout c’est son amour pour Clélia. Pour lui, plus que pour elle, il brave l’adversité, affronte tous les risques et fait de chaque mésaventure un marchepied pour un nouveau succès. Comblé dans une ascension sociale sans frein qu’il conquiert sans combat, heureux en amour au prix d’une entourloupe casuistique que le plus jésuite des confesseurs jésuites aurait du mal à entériner (Clélia a fait serment de ne plus jamais le voir mais se laisse engrosser dans l’ombre à la barbe de son époux) Fabrice ne se retire du monde que parce que celui-ci ne l’a à vrai dire jamais intéressé et que le sien l’attendait dans l’au-delà : « Fabrice était trop amoureux et trop croyant pour avoir recours au suicide ; il espérait retrouver Clélia dans un meilleur monde, mais il avait trop d’esprit pour ne pas sentir qu’il avait beaucoup à réparer. »

Comme Fabrice, Emmanuel Macron séduit tous et chacun en même temps, comme lui, les médiocres l’exècrent, comme lui une bonne fée qui pourrait être sa tante le protège et contribue à forger son destin, comme lui le hasard en fait un champion, comme lui il trouve en Marianne (la belle fille au bonnet phrygien, pas celle du Rassemblement National) l’objet de son amour et il s’identifie à son destin ; dans l’adversité il trouve un champ de bataille dans lequel déployer tout son pouvoir de séduction sans trop savoir où cela le conduira…

On en est là…Mais on sait que Stendhal a bâclé la fin de son roman, il fallait faire une fin qui conduise Fabrice au seuil d’une quasi sainteté, au prix d’une destinée exemplaire qui ne peut être considéré comme un échec que par ceux qui lisent le roman comme on prend connaissance d’un fait divers. Pour tout amateur de littérature cependant la Chartreuse de Parme n’a rien d’un roman naturaliste, c’est une œuvre d’art, comme est une œuvre d’art, pour Fabrice la construction de sa propre existence qui se confond chez Emmanuel Macron, depuis la cristallisation  amoureuse opérée par son élection inopinée, avec une vision du monde qui est davantage celle de Machiavel, de Guichardin et des grands historiens de l’âge classique que de celle de l’économie empirique et celle des hommes politiques de notre temps chez qui le sens de l’histoire est oblitéré par la volonté de survivre au jour le jour.

Mais il est plus difficile de faire partager une conception de l’histoire bien construite mais trop incarnée que des slogans  contradictoires hargneux et bonimenteurs orphelins de pensée critique .

Philippe Araguas.

 

 


3 Replies to “Emmanuel et le syndrome de Fabrice”

  1. D’accord, mais quel soulagement d’avoir enfin quelqu’un de très intelligent, cultivé, bilingue, encore jeune, plus préoccupé de gloire que de se remplir les poches, au fait des techniques de son époque et de la société, ça change.
    Certes il gagnerait à mieux prendre la mesure de l’urgence écologique et du changement positif d’économie que cela recèle : espérons que ça va lui venir.
    Mais toujours critiquer le président, et seulement lui, (on a pourtant des milliers d’élus de représentants et de fonctionnaires : font-ils tout bien, eux ?) ne rend aucun service au pays, bien-sûr il n’est pas parfait mais vous en connaissez un autre qui le serait ?
    Les hommes surtout le jalousent sentant bien qu’il a plus d’atouts et de prérogatives qu’eux, ça les énerve, alors que je paierais pour ne pas être à sa place : un volume inhumain de travail, des soucis de toutes parts, des responsabilités écrasantes, aucune reconnaissance (“j’y ai droit”) des contraintes multiples face à une majorité de gens incohérents, irresponsables, bêtas, (qui n’ira même pas voter) toujours à récriminer pour son petit nombril au lieu de proposer d’autres pistes puisqu’ils sont si forts ! Les problèmes sont immenses et complexes, pour quoi les solutions seraient-elles simples ? Tout le monde devrait plutôt s’efforcer d’améliorer le cours des choses avec le sens de l’intérêt général, car seul même un président génial ne pourra pas faire grand-chose.

  2. … vous êtes comme nous tous, tellement habitués à ne lire que des textes à charge que vous n’ avez sans doute pas bien lu la fin du texte :

    “…une vision du monde qui est davantage celle de Machiavel, de Guichardin et des grands historiens de l’âge classique que de celle de l’économie empirique et celle des hommes politiques de notre temps chez qui le sens de l’histoire est oblitéré par la volonté de survivre au jour le jour.

    Mais il est plus difficile de faire partager une conception de l’histoire bien construite mais trop incarnée que des slogans contradictoires hargneux et bonimenteurs orphelins de pensée critique .”

    je ne pense pas qu’il puisse y avoir de plus grands éloges que d’écrire qu’ EM a une vision du monde digne des plus grands des grands historiens et penseurs politiques et ne partage pas, en dépit des apparences les visions des économistes libéraux (i.e empiriques)…

    mais je dois dire à votre défense que je cultive volontiers l’ambiguïté par souci de faire à toute occasion un peu de pédagogie de pensée complexe.
    Merci en tout cas de m’avoir lu, sinon bien compris

  3. Oui tout cela est bien pensé et écrit ! Et je veux bien admettre que le capitaine des pompiers est de bonne facture mais le feu est déclaré et on manque d’eau !! Services publics démantibulés, précaires assimilés à l’air du temps ! Environnement en alerte rouge ! Montée de l’extrême droite et par contre plus de gauche ouh là là !! Et ne parlons pas des scandales avortés cachés des répressions terribles de manifs soi disant de sauvageons incontrôlables qui ne demandent me semble t-il qu’une écoute ! Ah oui c’est vrai il y eut le GRAND DEBAT , j’y ai participé par principe on ne peut critiquer sans cesse et refuser le dialogue pour me rendre compte que je n’avais droit à donner mon avis que sur un sujet ! combien comme moi ont foncé sur l’environnement (urgence absolue ) ? mais j’avais à dire aussi sur les hôpitaux où les urgences sont forcées à la lenteur faute de personnel, au grave problème d’une jeunesse désabusée qui trouve au sein des systèmes scolaires des saletés à bas prix qui vont nous donner une génération zombifiée ! et cette course à la croissance quant tout nous dit que justement il faut l’arrêter ! Dans cette course à la performance industrielle ou de pouvoir l’avenir est bien sombre pour nos enfants ! je ne lui veux aucun mal moi à notre Manu et je le reconnais comme président étant avant tout démocratique mais j’aimerais bien qu’il se pose un peu , qu’il oublie sa belle image à préserver et qu’il revoie ses copies !!!

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