Le Cèdre du Liban du Jardin public, témoin d’une époque.

Posté le 13/01/2013 dans Environnement.

Le cèdre du Liban qui se trouvait à proximité de la bibliothèque du Jardin public est mort. Il faisait parti des végétaux qui ont marqué la mutation du jardin à la française conçu par Urbain-Aubert de Tourny en 1746, vers un jardin à l’anglaise initié par la municipalité d’Antoine Gautier. Au moment de la plantation du cèdre, le Jardin public revenait de loin. Très endommagé sous la Révolution il faillit disparaître sous la Monarchie de Juillet de Louis-Philippe (1830-1848) mais vivotera avec de maigres moyens jusqu’à l’avènement du Second empire.

A cette époque, la municipalité d’Antoine Gautier, maire de 1849 à 1860, prit les choses en main, et, suivant les idées de Guillaume-Henry Brochon, demanda au paysagiste Louis-Bernard Fischer et à l’architecte Charles Burguet, architecte de la ville, de concevoir un projet à l’anglaise.

Adieu la pièce d’eau circulaire centrale entourée de ses boulingrins à parterres en rinceaux fleuris de style Louis XV, adieu les allées de tilleul de Hollande et d’ormes champêtres, adieu les alignements de buis taillés, adieu, adieu… La nouvelle pièce d’eau centrale parsemée d’îles, allées et parterres va abandonner sa rigidité au profit de courbes sinueuses ; des passerelles seront conçues de la largeur des crinolines des dames ; les grilles côté cours deVerdun sont refaites avec blasons et dorures traités sur le mode rutilant… Enfin des statues à l’effigie de personnages mythiques ou locaux vont progressivement s’inviter un peu partout à l’imitation du jardin du Luxembourg de Paris. Charles Burguet refait la terrasse et la complète par un bassin, tandis qu’au bout de celle-ci, l’hôtel de Lisleferme, acquis en 1857, commence à recevoir les collections qui vont faire de lui le futur Muséum d’histoire naturelle. Le bâtiment des serres tropicales, construit également sous les directives de Burguet de 1857 à 1859, est installé à proximité d’un emplacement qui va recevoir les collections du jardin botanique à partir de 1855,  que l’on nommera « plant

 Quelques végétaux qui ont marqué l’histoire du Jardin public de Bordeaux. Le cèdre du Liban (Cedrus libani) planté vers 1860 face à l’actuelle bibliothèque. Au centre, le tronc du ginkgo que l’on peut voir devant le Museum d’Histoire naturelle ; c’est est aussi l’un des deux plus ancien de Bordeaux. Au second plan, le bosquet de palmiers (Trachycarpus fortunei) plantés entre 1890 et 1906 (hiver 2007-2008). A droite le cyprès des marais du Mexique (Taxodium mucronatum) planté vers 1856 (juin 2012).  Les dates entre parenthèses correspondent aux prises de vue. 

 En 1856 eut lieu l’inauguration de l’actuel Jardin public redessiné à l’anglaise par les soins de Messieurs Escarpit et Fischer. La suppression de l’ancienne pépinière de la Chartreuse à Saint-Bruno avait entraîné, en avril 1857, la translation, dans des charrettes tirées par les chevaux et les hommes, de douze gros magnolias âgés d’une quarantaine d’années, tous destinés à donner rapidement au nouveau jardin ce cachet que seules des plantes d’un certain âge pouvaient lui octroyer.

Le nouveau jardin de Tourny va devenir un haut lieu de la botanique où des arbres magnifiques vont côtoyer quelques plantes précieuses comme le rare palmier à chanvre (Trachycarpus fortunei) semé pour la première fois en juillet 1859 à l’initiative de Durieux de Maisonneuve, 1er conservateur du jardin botanique ; d’autres plantations de palmiers à chanvre suivront  entre 1890 et 1906. Fortement présent aux croisements des allées ou aux détours des pelouses, il y a toujours les chênes verts et les chênes pédonculés à port fastigié ou chênes quenouilles, mis en terre à partir de 1857, les cyprès chauves plantés à la même époque, et les magnolias qui, au vu de leur taille ont formé l’ossature du nouveau jardin.

Planté vers 1858-1860 probablement à l’état de plan de pépinière d’une dizaine d’année, le cèdre du Liban proche des serres puis, après leur disparition, de la bibliothèque, deviendra un lieu incontournable des passants fatigués de passer. Malgré son éloignement des collections, il faisait parti des plantes d’études au même titre que les palmiers de Maisonneuve. Aussi facile à repérer qu’un phare dans un jeu de quilles, je me souviens de longs après-midi de lecture passés adossés à lui  quand, jeune étudiant, je devais travailler mes cours de phytotechnie en toute sérénité.

 

 

Le cèdre moribond (à gauche en mai 2012) a été débité en décembre dernier sous la forme d’une fleur éphémère qui devrait donner naissance…à un nouveau cèdre.  

Cent soixante-dix ans, c’est peu pour un cèdre dont la durée de vie peut excéder facilement trois siècles. En décembre 2012 José Le Piez l’a transformé en une fleur dont les étamines sont les troncs amputés laissés à la verticale et les pétales, les vestiges du houppier laissés au sol… Voici quelques années Rudy Rahmé avait fait de même sur un autre cèdre bien plus âgé que le nôtre, dans la célèbre forêt de Bécharré au Liban : iI l’a transformé en Christ ! Ici nous n’avons pas les mêmes prétentions et la fleur du cèdre suffira. Mais j’estime que cette perte aurait pu être évitée. En écrivant cela je pense aux cèdres du Liban des parcs des villes de Tours, Paris, Saint-Gratien qui ont su conserver des arbres plus âgés.

Jean-François Larché

 

 

 

 

 

 

 


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