Le printemps est bien là, bien présent. Le soleil…les fleurs et les feuilles qui s’éclatent, les abeilles, bourdons et papillons qui butinent, les oiseaux qui nidifient, les « Gendarmes » petits insectes, à la carapace joliment dessinée de rouge et de noir, qui copulent en cortège, bref le jardin explose et comme chaque année étonne toujours Félicité. Dans la contemplation de cette nature en effervescence, loin du tohu-bohu des discours tonitruants des candidats en lice dans une campagne électorale qui n’en finit pas de fatiguer les Français, Félicité médite et pense que pendant ce temps là il est des faits de société qui devraient poser questions ?
Faits de société qui passent inaperçus, pour l’instant, qui pourtant en disent long sur certains nouveaux comportements d’une partie minoritaire de Français, mais qui pourrait préfigurer un futur sociétal relativement proche !
Il s’agit des adeptes les plus fervents du retour non pas vraiment à la nature, mais plutôt à l’état naturel ! C’est le petit monde du « Sans »-
Cela a commencé d’abord par le « Sans viande » et sans produits dérivés (œufs, lait etc…) soit les accros au végétalisme qui pour se nourrir excluent tous les aliments qui ne proviennent pas du règne végétal, portant au pinacle les graines et les herbes en tous genres, bio bien entendu.
Si à terme le marché de l’économie bouchère risque d’être en péril, celui du « Sans viande » génère déjà toute une filière économique, comportant non seulement les magasins spécialisés dans ce type d’aliments mais a suscité l’émergence de cabinets de divers préconisateurs du mieux être, mieux vivre, à savoir les phytothérapeutes, les sophrologues, les spécialistes en relaxation, méditation, médecines douces…
Félicité revenant à la campagne électorale s’étonne que les chantres de « l’identité nationale » n’aient pas pris la mesure du péril qui menace l’un des piliers majeur de notre identité à savoir la disparition, à terme, du beefsteak frites ou encore de l’entrecôte (en Gironde saignante et grillée de préférence sur des sarments), de l’assiette hexagonale.
Tout comme personne ne semble se soucier des tous nouveaux partisans du « Sans lavage corporel » qui peut se résumer à : fini les douches et bains quotidiens, une fois par mois suffit largement ! Il y a bien deux ou trois jours délicats au début où les odeurs suis generis prennent le pouvoir (il semble que l’on s’habitue les jours suivants) . Félicie qui a mauvais esprit, se dit que dans les transports en commun cela risque d’être un peu difficile, par contre cela ne pourra que renforcer sur le plan international notre exceptionnelle « identité française » : le Français étant assez souvent considéré comme cradingue ! Gageons aussi que les « Sans lavage » risque à terme, si la tendance s’accentue, de faire s’effondrer toute l’industrie de gels douches et autres substituts du solide savon de Marseille de l’enfance de Félicie.
Les « Sans viande » et « Sans lavage » sont peut être les mêmes qui préconisent le « Sans chaussures » et de pratiquer running et randonnées pieds nus afin de renouer au plus près avec la nature, d’avoir la sensation d’être en prise directe avec le sol, de retrouver un esprit sain dans un corps sain. Cette dernière pratique aux bienfaits multiples étant recommandée par toute une pléthore de spécialistes : réflexologues, psychothérapeutes …et là aussi, on peut frémir : quid dans quelques années du marché de la chaussure, godasses, groles et tatanes en tous genres !
N’en déplaise, c’est dans cet esprit qu’il est conseillé depuis de vivre « Sans chaise » en reprenant la position naturelle du repos : l’accroupi considéré comme station idéale qui s’impose dans la majorité des sociétés non occidentalisées ; posture qui nous est offerte à tous, par Mère-Nature mais version qui va à l’encontre des « sociétés occidentales assises » lesquelles depuis le XVIè siècle, soit plus de 200 ans , ont ainsi affirmé leur supériorité sur tous ces « bons sauvages » qu’elles avaient entrepris de faire entrer dans leur monde moderne.
Grave erreur que cette dépendance aux sièges de toutes sortes : la chaise , le fauteuil et le canapé où l’on s’avachit plutôt que l’on s’assied, dépendance qui nous a fait perdre notre souplesse naturelle nous privant, semble-t’il, des nombreux bénéfices de l’accroupi et serait responsable de maux tels : les hémorroïdes, la constipation, le cancer du colon, la prostatite, les douleurs lombaires etc, etc…
Pour éviter de tels désagréments les tenants de l’accroupi préconisent non seulement de supprimer chaises et autres sièges (d’autant plus qu’en tant qu’objets de notre société de consommation de masse fabriqués avec bois, colles, plastiques, pétrole, textiles, synthétiques, cuirs naturels en Chine ou ailleurs dans le monde, ont un impact nocif sur l’environnement), mais aussi d’utiliser le « trône des wouatères » différemment pour avoir une bonne expulsion des excréments ! Il ne s’agit plus de s’asseoir benoitement sur le siège des toilettes et d’occuper les lieux en lisant un bon polar, mais de poser les deux pieds sur la faïence de façon à être accroupi au-dessus de la cuvette et de déféquer plus naturellement . Exercice qui peut s’avérer périlleux si l’on n’a pas acquis la souplesse adéquate, qui nécessite donc auparavant une remise à niveau avec l’aide de quelques exercices de gymnastique et de la patience, afin de maitriser parfaitement la posture accroupie jusque dans les moments les plus intimes de la vie.
Félicité qui aime regarder au-delà du quotidien voit poindre à l’horizon, dans un grand élan démocratique d’égalité des chances, la réhabilitation des chiottes à la turque pour permettre à tous les citoyens quel que soit leur âge, leur souplesse d’accéder au bonheur de l’accroupi.
Félicité.
(Sources pour l’accroupi : « Je vis sans chaise et ça va beaucoup mieux » Reporterre, le quotidien de l’écologie, du 7.04.2017/ Sylvain Griot)