Boulettes de bœuf au riz à la Liu

Posté le 26/01/2017 dans Les recettes d'Oncle Phil.

boulettesBoulettes de bœuf au riz à la Liu

Mon nouveau Huawei est épatant, je pensais vous proposer une recette de poisson à la bordelaise mais il m’a conduit à choisir celle de boulettes de bœuf au riz, mieux adaptée aux circonstances de ma nouvelle vie, voilà comment cette mutation s’est opérée.

Le 12 décembre, mon vieux Samsung m’a lâché : j’attendais un appel important d’un éditeur slovène à qui je devais rendre depuis quelques mois déjà, le manuscrit de mon étude sur « Les aménagements des terrains de jeu de bartolle[1] dans le bas-Adour » refusé par Gallimard et le Seuil après que Actes Sud m’ait proposé de le publier sous le titre jugé plus « accrocheur » de « La carotte et le bâton » que je ne pouvais décemment PAS accepter. L’appel n’arriva jamais : la batterie du Samsung Galaxy avait rendu l’âme. Une charmante vendeuse eurasienne de la boutique de mon fournisseur d’accès, RAB, me proposa, plutôt que de changer de batterie, d’adopter un nouveau modèle de la même marque sud Coréenne ou bien un tout nouveau smartphone de fabrication chinoise dont la couleur champagne me séduisit d’autant plus qu’elle s’accordait à merveille au ton de la peau de la  très aimable vendeuse-conseillère-démonstratrice. Le transfert de mes données opéré, après avoir épuisé tous les prétextes pour exploiter les talents de conseillère-démonstratrice de la décidément si jolie vendeuse eurasienne, je sortis de la boutique le smartphone en main : c’est alors que tout commença. Cet appareil s’avéra très vite, non seulement intelligent[2], comme le suggère son nom générique, mais particulièrement intuitif : alors que je me dirigeais vers mon bureau où m’attendaient une kyrielle de courriels et un tombereau de bordereaux d’enregistrement à convertir en fichiers Excel, la mélodie Bongo [3]qui signale l’arrivée d’un message se fit discrètement entendre ; soulevant le volet mordoré de la jaquette de Huawei, je pus lire l’avertissement suivant : « votre rendez vous de 18h à Libourne est compromis par un ralentissement sur la rocade » ; Huawei avait sans doute coordonné les données de mon « Googleplanning [4]» et celles fournies par « Trafic futé [5] » téléchargé sur les conseils de ma conseillère-démonstratrice ; je renonçai donc à passer par le bureau et me dirigeais vers la station de tram des Quinconces avec l’intention de m’embarquer pour la zone de stationnement libre de Pessac où j’avais garé mon automobile. Alors que je remontais la rue Castillon retentit « Crystal drop » qui attirait mon attention sur le message suivant « vous êtes à 25 mètres de chez Corinne C. dont c’est l’anniversaire aujourd’hui». L’attention portée par Huawei à la localisation de Corinne, dont l’adresse figurait, bien sûr dans le répertoire de mes contacts sous la rubrique « favoris » me surprit quelque peu car la logique commerciale présumée prioritaire du système eut tout aussi bien pu me signaler la proximité (85m) de la boutique Nespresso ou du lunettier Lissac (48m) mon fournisseur habituel de lentilles colorées. La perspicacité de Huawei quant à la priorité de mes préoccupations profondes voire inconscientes (j’avais cru avoir oublié la date de l’anniversaire de Corinne) attira un léger sourire sur mes lèvres qui laissèrent échapper un « mince alors » à peine susurré, mais suffisamment audible pour l’ouïe exercée de Huawei qui déclencha un nouveau « Crystal drop » signalant l’information suivante formulée en lettres scintillantes sur son écran super LCD : « Soldes Monstres au Rayon diététique des Galeries Lafayette ». Cette nouvelle intrusion dans mon quotidien du smartphone me surprit et aurait même pu m’irriter, si j’étais tant soit peu irascible, et je me demandai quelle adresse m’aurait été fournie, dans ce quartier si bourgeois, si, au lieu du « mince alors » de ma mère j’avais eu recours, pour exprimer ma surprise, au « putain ça alors ! » coutumier au langage de mon père. Il n’en restait pas moins que le choix logarithmique opéré par Huawei pour me donner cette information me jeta dans une profonde perplexité : avait-il « lu » ma correspondance avec Corinne, émaillée d’allusions à son obsession pour sa ligne et la cuisine basse calorie ? Quoiqu’il en soit, l’information tombait à point car elle me donnait outre l’opportunité de surprendre Corinne en lui souhaitant avec une ponctualité inhabituelle chez moi son anniversaire, l’idée du cadeau approprié à la circonstance. Le thé Puerh impérial que je trouvai conditionné dans une boite en papier « mâché-bouilli-laqué » noir et or ne pouvait que séduire mon amie. Je sonnais chez Corinne qui ne parut pas surprise outre mesure de me voir surgir sans coup de fil préalable avec mon paquet cadeau ; elle m’invita à monter et à me joindre au petit groupe de « copines » réunies pour un goûter d’anniversaire autour d’un amoncellement de dunes blanches et de cannelés qui n’avaient rien de particulièrement diététique : alors que je montais l’escalier Huawei-Bongo, toujours attentif, m’avait averti, par une note clignotante vert fluo insérée dans mon Googleplanning, qu’il était désormais trop tard pour pouvoir être à 19h à Libourne où j’avais un rendez vous à 17h. Je pris place au sein du charmant gynécée, dont je connaissais trois des quatre composantes comme de furieuses féministes, qui ne semblaient pas faire plus de cas de ma présence que de celle d’un eunuque agha[6], ce qui me conduisit à ne pas trop prolonger ma visite…l’inconnue du quatuor ne l’était, à vrai dire pas tout à fait pour moi : elle n’était autre que la charmante vendeuse eurasienne de RAB, qui répondait au doux prénom de Liu, et me laissa comprendre par son regard qu’elle était plus sensible à ma présence que les « vieilles copines » de Corinne. Sans doute Huawei avait il prêté attention à la présentation et à notre échange muet de regard, puisque sitôt tirée derrière moi la porte de l’immeuble retentit « Forest day » une sonnerie que je n’avais à aucun moment sélectionnée qui, ouvrant ma page Face Book me demandait si je souhaitais devenir ami avec Liu. Et comment donc que je souhaitais de l’être ! Un clic me projeta sur son mur[7]… Je passais la soirée avec Liu et ses amis qui étaient, pour la plupart d’exotiques ressortissants du tiers monde ou de l’extrême orient dont les préoccupations semblaient aussi éloignées que possible des kyrielles de courriels et des tombereaux de bordereaux qui encombraient ma vie. Je nouais donc, jusqu’à une heure avancée de la nuit, relation avec Maewa, Jing et Mana proches amis de Liu qui m’orientèrent vers des pages web qui enluminèrent de tendresse et de douceur les habituelles ternes divagations de mes rêves.

Les logarithmes constitutifs de l’horloge de Huawei étaient ils programmés pour protéger la béate quiétude de mon sommeil ?  Ce n’est que vers dix heures que « Jingle Bells » m’arracha aux bras de morphée-Liu pour m’annoncer en caractères New Boran clignotants casse 17 que l’heure de la réunion hebdomadaire de l’équipe de direction était dépassée. Quelque peu dépité je me faisais couler un Nespresso « Jour de deuil surcaféiné » lorsque retentit la sonnerie du téléphone (car Huawei pouvait aussi servir de téléphone). Je décrochai pour entendre, non la voix de mon interlocuteur mais celle d’une douce créature de synthèse qui annonçait à celui-ci que j’étais « pour l’instant indisponible, mais que je ne manquerais pas de le rappeler dès que j’en aurais la possibilité ». Ayant identifié le numéro de téléphone de M.de Mesmaeker, l’irascible directeur du journal de Spoori, principal et quasi unique commanditaire de l’imprimerie dans laquelle j’effectuais mon stage d’insertion, je m’empressai de rappeler, mais chaque fois que le téléphone de mon non-interlocuteur faisait entendre son déclic de décrochage, Huawei lui répétait inlassablement le message d’absence. L’idée de l’état dans lequel cette facétie de Huawei devait mettre Mesmaeker me glaçait le sang et finit par me faire sortir de mes gonds, je jetai violemment le portable sur la table de la cuisine en criant «  ce c… de téléphone va me faire perdre mon job !!! ». Huawei fit entendre la douce mélodie par laquelle il prenait congé de son utilisateur… Je m’habillai à la hâte, me précipitant dans l’escalier pour tenter de prendre le premier train pour Libourne ; je rallumai Huawei en montant dans le tram. Sans doute n’avait-il pas dans son sommeil oublié mon cri de colère car il s’ouvrit sur une page d’ offres d’emploi au graphisme suffisamment attractif pour que je pianote mes identifiants et parcoure une série de menus déroulants, qui, entre les Quinconces et la gare Saint-Jean m’identifièrent comme compétent pour une série de jobs de substitution aussi bigarrée que déroutante pour un bac plus neuf titulaire d’un double master en Sciences-Humaines, du Bafa et d’un diplôme de maître composteur : rédacteur de têtes de gondoles pour une agence de PLV ( publicité sur les lieux de ventes), goûteur de tacos dans un fast food mexicain, livreur de sushis dans les bureaux de la Cité administrative, contrôleur de teneur en chlore des piscines de Bordeaux Métropole… au pied de la liste des dix propositions de la première page, un footer me signalait qu’en cas de disagree avec les propositions je pouvais cliquer sur l’icône ☺. Aucune des propositions qui m’étaient faites ne m’ « agréant » véritablement, je cliquai sur la sémillante icône qui se mit à scintiller accompagnant la diffusion discrète d’une mélodie de erhu[8] qui, grâce à la haute fidélité chèrement acquise de mes écouteurs tympan-friendly, apaisa en un clin d’œil la sourde détresse qu’avait fait naître la mise en évidence de la faible pertinence de mes compétences professionnelles sur le marché de l’emploi. La mélodie se prolongea suffisamment pour me faire rater le train de Libourne qui s’ébranla à l’instant même où je débouchais du passage souterrain. Bras ballant je demeurais sur le quai de la voie 16 sans même m’interroger sur le sens à donner à ma vie après une si dramatique prise de conscience. La douce tonalité du Erhu soutenait maintenant un chant mandchou admirable qui me conduisit à m’allonger sur l’un des rares bancs pour clodo rescapés de la gentrification à outrance de la gare Saint-Jean. Je dois avoir, bercé par ce chant, dormi quelques heures. Mon sommeil s’estompait doucement et il  me sembla que, subrepticement le mandchou laissait place à des phonèmes indo européens puis latins jusqu’à ce que la douce voix de synthèse de Huawei scande une sorte de rap asiatique m’invitant à prendre la ligne C du tramway en direction des Bassins-à-Flot. Lorsque vers vingt deux heures je parvins à la station Cité du Vin, Huawei m’incita à descendre et à me diriger vers le Quai du Sénégal ; amarrée près de l’écluse, dans la brume de cette froide nuit de décembre je distinguais la silhouette aux voiles lattées d’une jonque prête à appareiller ; l’échelle de coupée qu’éclairaient de petites lanternes de papier de riz m’invitait à embarquer…

L’accueil de Liu, en robe qipao de satin mordoré étrangement assortie à la housse de mon Huawei fut on ne peut plus déroutant : après avoir appliqué son charmant petit nez sur ma joue droite elle inspira lentement en baissant ses paupières avant de faire claquer légèrement ses lèvres sur ma joue rosissante. L’échelle de coupée s’évanouit dans la brume du quai tandis que l’écluse permettait à la jonque de prendre le jusant qui nous conduisit au soir du 14 décembre au large de Cordouan où nous quittâmes la Gironde par la Grande Passe de l’ouest. C’est à bord de la Jonque de Liu que je découvris, entre autres délices asiatiques, ces boulettes de boeuf au riz dont je vous adresse, de mon smartphone Huawei, la recette.

 Boulettes de boeuf au riz à la Liu

Temps de préparation : 30 minutes
Temps de cuisson : 30 minutes

Ingrédients (4 Personnes) :

-500 g de steack haché Lanot
– 2 pommes de terre charlotte
– 100 g de riz basmati
– 2 oeufs de poules gambadeuses
– 1 oignon rouge
– 2 gousses d’ail
– 1 cuillerée à café de gingembre frais rapé

-30 grammes de saindoux
– sel et poivre

PREPARATION

FAIRE cuire les pommes de terre dans leur peau, les peler après cuisson et les réduire en purée.
Faire cuire le riz 8 min à l’eau bouillante (il ne doit pas être tout à fait cuit) et l’égoutter.
Peler et hacher finement l’oignon et l’ail.
Mélanger dans un saladier la viande hachée, la purée, les oeufs battus en omelette, le gingembre l’ail et l’oignon.
Assaisonner et former des boulettes.
Les rouler dans le riz et les faire cuire à la vapeur pendant 30 min.

Les dorer au wok dans deux cuillerées de saindoux

Liu sert les boulettes avec de la chicorée Barbe de Capucin braisée –à défaut Cornet de Bordeaux ou en cas d’extrême pénurie endives roses.

Annexe

Le bartolle (bartôlli, bartoile…) se pratique individuellement ou par équipe, il nécessite un équipement complexe : le bartolle, segment de manche de râteau (de gros balais, de petite bêche, d’énorme cure-dent)  d’une vingtaine de centimètres de long, aux extrémités présentant des plans parallèles, biais à 45° par rapport à l’axe du bartolle, la pelle composée par ce qui reste du manche du râteau, du gros balai, de la petite bêche, du béret, (facultatif) noir, bleu, rouge, écossais,  selon l’humeur et la nationalité des participants

L’aire de jeu doit être plane, le sol dur, non herbeux de préférence, d’une centaine de mètres de long au moins sur une vingtaine de large, tout tronçon autoroutier, fragment de stade antique, morceau de Quinconces ou de Champ de Mars peut faire l’affaire. Au centre du petit côté du terrain de jeu est tracé un demi-cercle de rayon égal à une pelle, le pit.

 Premier mouvement : le “ba ben” : le joueur qui a la main se trouve derrière la ligne de pit, s’il est droitier, il tient le bartolle dans la main gauche et la pelle dans la main droite; il lance le bartolle et tente de le frapper à l’aide de la pelle pour l’envoyer le plus loin possible dans les limites du terrain de jeu. L’adversaire tente d’attraper au vol le bartolle (à l’aide de son béret bleu rouge ou noir, pour ne pas se blesser) ; s’il l’attrape, il doit le lancer de manière à dépasser la ligne de pit, le  joueur qui a la main peut tenter de l’intercepter  avec la pelle, s’il n’y parvient pas , il est éliminé et l’adversaire prend la main et marque cent points.

Si le joueur n’a même pas réussi à frapper le bartolle jeté de la main droite avec la main gauche, il a le droit de tenter de le jeter de la main droite et de le frapper de la gauche si cette nouvelle tentative échoue, il peut tenter de frapper le bartolle en faisant passer la pelle sous une jambe, le dernier essai autorisé consiste à lancer le bartolle en arrière et à le frapper au moment précis où il passe à la verticale de l’occiput du malheureux champion.

Deuxième mouvement : la pelle morte : le bartolle est positionné sur le pit , perpendiculaire au segment de cercle tangentiel au rayon formant un angle droit avec la ligne de pit, et extérieur à lui.

Le joueur frappe violemment le bartolle à l’une de ses extrémités biaises de manière à l’envoyer en l’air et, profitant de la pirouette effectuée par le dit bartolle, il le heurte en vol avec la pelle de manière à le projeter le plus loin possible dans les limites de l’aire de jeu. L’adversaire doit, comme dans le mouvement du ba-ben tenter de saisir le bartolle avant qu’il ne touche le sol et le renvoyer au delà de la ligne de pit afin de prendre la main; s’il n’interrompt pas le parcours du joueur qui a la main, celui-ci comptabilise autant de points qu’il y a de longueurs de pelles entre le pit et le point de chute ultime du bartolle.

Cette règle sommaire est susceptible d’ être nuancée ou modifiée en fonction de témoignages ethnographiques ou anthropologiques, tant il est vrai qu’il y a autant de jeux de bartolle que de spécialités de pastis ou de recettes de lamproie, aussi nous prions fans amis et alliés de bien vouloir nous faire part de leurs remarques afin de pouvoir proposer un bartolle de synthèse acceptable pour homologation auprès du comité olympique international. Oncle Phil.

Notes:

[1] Voir en annexe –ou dans le prochain numéro ou dans la rubrique que faire dimanche ? la description du jeu de bartolle

[2] Dans son acception américaine, moderne, smart signifie intelligent ; la connotation d’élégance que lui conférait son usage par les grands bretons semble avoir été totalement effacée par le brexit

[3] Pour les lecteurs non addicts au smartphone cet appareil permet d’associer à tout type d’appel ou de message une sonnerie spécifique dont la liste constitue à elle seule une invitation au voyage : dream, forest day,harp,morning glory –for men only- west lake….

[4] Pour les mêmes : agenda électronique permettant à Google de mettre en relation le nom de votre fournisseur de chaussettes de fabrication française que vous avez prévu d’aller dévaliser pour les soldes d’hiver avec le département WC (wild competition » -concurrence sauvage) d’Amazon

[5] Application développée par l’agence départementale d’assistance programmée au développement de l’industrie électronique et de la révolution numérique du département de la Creuse (ADAPDIERN) de Guéret

[6] A vous de chercher sur internet, c’est comme cela que l’on se cultive en 2017

[7] Le mur est la partie publique de l’internaute happé par Face Book, par les failles duquel il est loisible à tout individu né dans les années 2000 ou ayant effectué un stage gratuit de hacker auprès de BBS –Big Brother Shkowa (du russe шко́ла : école)- de pénétrer au plus profond de votre intimité

[8] Sorte de harpe chinoise


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