Chaud devant!

Posté le 14/07/2015 dans Environnement.

Au moment où ses lignes sont écrites le thermomètre enregistre 42° sur la terrasse. Nous sommes le 30 juin 2015, dans la périphérie de Bordeaux. La canicule annoncée par la météo depuis quelques jours est là et bien là. Durant la semaine précédente le thermomètre enregistrait chaque après midi des températures oscillant de 30° à 35°. Etonnant pour un mois de juin. Dans ce Sud Ouest de la France on est plus habitué à voir ces pics de température en juillet ou en août mois traditionnels des orages qui peuvent être cataclysmiques et très localisés tel celui du 25 juillet 2014 qui dévasta le centre de la petite commune de Paillet (33).
Les premiers enregistrements climatologiques datant de 1860, les scientifiques ont pu observer au fil des années une tendance au réchauffement de l’atmosphère sur les zones géographiques étudiées et constater une augmentation de la température moyenne de l’air de 0,6°
(Avec une incertitude de plus ou moins de -0,2°). Le XXe siècle a probablement été le siècle le plus chaud depuis 1000 ans et la décennie 1990 a connu le réchauffement le plus important de ce siècle ! Ce qui a eu pour effet une diminution de la surface de la couverture neigeuse et des glaciers de montagne, de la glace de mer, de l’élévation du niveau de la mer…et l’on a pu observer des impacts sur les écosystèmes cultivés ou naturels en particulier au niveau de la phénologie ( cette discipline qui étudie les variations que font subir les climats sur les phénomènes périodiques de la végétation : germination, feuillaison, floraison etc…) Pour ce qui concerne la France les perturbations observées sur les dates de floraison des arbres fruitiers, de semis de maïs, et bien évidemment de vendanges.
Les observations attestent de la réalité d’un climat actuel significativement différent de celui des années 1940-1970, très vraisemblablement en cours d’évolution sous l’action de l’accroissement des GES (Gaz à Effet de Serre) en lien évident avec l’activité anthropique.
Cette action de l’homme, un temps fut contestée par quelques « climatosceptiques » que l’on n’entend plus guère maintenant, tellement les faits sont avérés. En effet, les prévisions des spécialistes du climat se sont de plus en plus affinées et ont gagné en degré de confiance non seulement auprès de la communauté scientifique mais aussi auprès du public. Il y a maintenant un large consensus de cette communauté scientifique, sur une très forte probabilité de réalisation des scenarii présentés par les experts du GIEC/IPCC (Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat /Intergovernmental panel on climate change.) confirmés dans un rapport en 2007.Que disent ces experts ?
« …Le réchauffement climatique est maintenant reconnu sans équivoque car évident dans les observations de l’accroissement des températures moyennes mondiales de l’atmosphère et de l’océan, la fonte généralisée de la neige et de la glace, et l’élévation du niveau moyen mondial de la mer. Les informations paléoclimatiques confirment l’interprétation que le réchauffement du dernier demi-siècle est atypique sur au moins les 1300 dernières années. La dernière fois que les régions polaires ont été significativement plus chaudes qu’actuellement pendant une longue durée(il y a environ 125.000 ans) la réduction du volume des glaces polaires a conduit à une élévation du niveau des mers de 4 à 6 mètres.
L’essentiel de l’accroissement observé sur la température moyenne globale depuis le XXe siècle est très vraisemblablement dû à l’augmentation des gaz à effet de serre anthropiques. On peut maintenant discerner des influences humaines dans d’autres aspects du climat, comme le réchauffement de l’océan, les températures continentales moyennes, les températures extrêmes et la structure des vents.
Pour les deux prochaines décennies un réchauffement d’environ 0,2°C par décennie est simulé pour une série de scénarios d’émissions du Rapport spécial. Même si les concentrations de tous les gaz à effet de serre et des aérosols avaient été gardés constants au niveau de 2000, un réchauffement induit, d’environ 0,1° C par décennie se produirait. La poursuite des émissions de gaz à effet de serre au niveau actuel ou au-dessus provoquerait un réchauffement supplémentaire et induirait de nombreux changements dans le système climatique global au long du XXIe siècle, qui seraient vraisemblablement plus importants que ce qui a été observé au cours du XXe siècle. Pour la fin du siècle, la gamme de réchauffement en fonction des scénarios d’émission de GES va de 1,8° C (avec une fourchette de vraisemblance à 2,9 ) à 4°C (fourchette de 2,2 à 6,4) et celle de l’élévation du niveau de la mer de 0,18m à 0,59 m., ces tendances continueraient pendant des siècles à cause des échelles de temps associées au processus climatiques et aux rétroactions, même si les concentrations de gaz à effet de serre étaient stabilisées… »
Réchauffement climatique et viticulture.
Ces prévisions d’une augmentation de la température entre 2°C et 6°C(suivant les modèles et les hypothèses d’évolution du CO2) etc, les changements envisagés de la pluviométrie selon les régions résultant des travaux de recherches pendant plusieurs années, ont permis d’évaluer les conséquences éventuelles en France pour l’agriculture alors que par contre peu d’études n’avaient été menée sur la viticulture.
Or l’une des spécificités de la viticulture de qualité est son étroite dépendance au climat donc sa sensibilité aux conséquences des fluctuations climatiques inter-annuelles sur le rendement, les caractéristiques des vendanges et des vins.
Le vignoble français actuel, au fil du temps, a conduit a une forte spécialisation des productions régionales en relation avec les aptitudes climatiques du milieu (adaptation de l’encépagement, des techniques viticoles, œnologiques…) Il est évident que l’ensemble des variables climatiques auront des impacts sur la physiologie donc sur le comportement de la vigne. Des températures plus élevées générant une modification significative du cycle végétatif, une modification également importante pour les cépages utilisés actuellement et des incidences sur la maturation et in fine sur la typicité des vins à l’échelle européenne, plus particulièrement dans les vignobles septentrionaux, les choix en matière d’encépagement sont susceptibles d’évoluer.
Si la hausse des températures se limite à 1° ou 2° C, il est probable que les viticulteurs sauront s’adapter dans toutes les régions grâce à de nouveaux cépages (exit le merlot dans le Bordelais, par exemple ?) mettront au point de nouvelles méthodes de vinification, de réduction des degrés d’alcool. Quant aux notions de terroirs et d’appellations d’origine contrôlées (AOC) elles pourraient disparaitre n’étant plus pertinentes !
Dans son dernier numéro de juillet, le magazine Sciences et Avenir présente un dossier prospectif intitulé « Climat ce qui nous attend » en 2050 avec une série de cartes inédites montrant les impacts sur le littoral, l’agriculture, la biodiversité, l’eau ou la santé dont l’une concernant uniquement « La délocalisation des surfaces viticoles pourront gagner des zones plus fraîches au nord, tandis que des territoires traditionnels seront en perte de productivité selon une étude internationale de 2013…Déjà les spécialistes testent de nouveaux cépages et méthodes de vinification. Piste d’adaptation le capiteux rioja espagnol pourrait trouver refuge dans le Bordelais, le Bordeaux en Angleterre, le champagne plus à l’est de la France etc….(page 35)
C’est dans ce contexte que se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre la COP 21=
COP comme « Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques »- « 21 » car ce sera la 21ème fois que tout ce grand monde de chefs d’Etat, d’experts, de scientifiques et bien naturellement de lobbies aux aguets en coulisses, se réunira pour discuter du climat et plus largement de l’avenir de notre planète, notre maison « en train de brûler » Tous sont d’accord sur le constat mais , jusqu’à présent, beaucoup moins sur les moyens à mettre en œuvre pour éteindre « l’incendie »…
Objectifs: « Aboutir, pour la première fois, à un accord universel et contraignant permettant de lutter efficacement contre le dérèglement climatique et d’impulser/d’accélérer la transition vers des sociétés et des économies résilientes et sobres en carbone » avec à la clé un accord censé entrer en vigueur en 2020 qui devra à la fois traiter de la baisse des émissions de gaz à effet de serre et de l’adaptation des sociétés aux dérèglements climatiques existants et à venir, et enfin, trouver un équilibre entre les besoins et les capacités de chaque pays.”
Nos dirigeants se félicitent. Paris sera pendant une dizaine de jour capitale du monde. Pour l’instant personne ne parle du coût financier prévisible d’un tel sommet et de son empreinte écologique. Raison de plus pour espérer que cette COP 21 soit un succès durable pour notre planète et non pas une 21è conférence pour préparer la suivante soit la 22è!
Colette Lièvre
Sources : Réchauffement climatique, quels impacts probables sur les vignobles ? Global warming, which potential impacts on the vineyards ? 20-30 mars 2007/March 28-30,2007 –Bernard Seguin : Mission Changement climatique et effet de serre. INRA, Site Agroparc, Domaine Saint-Paul, 84914 Avignon cedex 9.


One Reply to “Chaud devant!”

  1. ” …La délocalisation des surfaces viticoles pourront gagner des zones plus fraîches au nord, tandis que des territoires traditionnels seront en perte de productivité selon une étude internationale de 2013, etc….(page 35)… ”
    Cette phrase fait très probablement référence à l’article très intéressant de Hannah et al. paru le 23 avril 2013 dans la revue PNAS (académie des sciences des USA) vol 110, n°17.
    Il serait incomplet de ne citer que cet article, et d’omettre de mentionner aussi que quatre mois après sa publication, est sorti dans le même journal un autre article non moins intéressant (incluant deux co-auteurs de l’INRA de Bordeaux — Nathalie Ollat et Serge Delrot), portant sur le même sujet (Van de Leeuwen et al, 13 Août 2013, PNAS n°33, n°13), dans lequel les auteurs critiquent sérieusement la méthode et les conclusions du premier article, et proposent des conclusions nettement plus nuancées.

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