Conte d’Halloween: A tort et à travers!

Posté le 12/11/2013 dans Autres.

Y’a pas à dire, j’avais vraiment la poisse !

C’est vrai quoi ! N’allez pas me raconter que mourir à cause d’un caniche, ce n’est pas par manque de chance !

Vous ne comprenez pas grand-chose, pas vrai ?

Attendez que j’éclaire votre lanterne…

Nom : Williams

Prénom : Dana

Age : 17 ans, 5 mois et 4 jours

Statut social : … C’est si important que ça ?

Bon, je sais que je l’ai déjà dit, mais il est bon quelquefois de répéter, même si ce genre de nouvelle a, en général, tendance à marquer les esprits en une seule fois.

Je suis morte.

Décédée, dead, tote, muerta, morta… Mais je ne vais pas vous faire toutes les langues du monde, sinon on y est encore  demain!

Quoique, j’ai tout mon temps, maintenant…Bref ! Vous vous demandez sans doute comment une jeune fille innocente, douce et sans défense comme moi ai pu trépasser ainsi, laissant famille bien aimée et tendres amis pour partir dans son dernier voyage ? Bon, d’accord, j’abandonne l’idée de la jeune fille sage.

Parce que je ne l’ai pas été.

En fait, depuis que je m’étais barrée de chez mes parents, je vivais une vie plus que débauchée. Drogue, alcool, squat, vol à l’étalage… Je crois bien que j’avais touché le fond dans ce monde là. Mes parents, j’en suis persuadée,  ont tout fait pour me rayer de leur mémoire depuis que je me suis pointée chez moi, en fait chez nous, il y a un mois, avec une fougueuse crinière rouge vif à la place de mes mèches brunes habituelles. Sans compter les piercings ! Ils sont vraiment très à cheval sur l’esthétique, mes vieux… Je crois bien que c’est un peu pour ça que je ne supportais plus la situation, à la maison.

Du coup, entre nous, c’était le silence radio, puis , ils m’avaient coupé les vivres. Bah, j’arrivais à me débrouiller seule, de toute façon, chose que j’avais toujours faite depuis mon plus jeune âge. Et puis, je me suis dis qu’on mettrait les choses au clair entre nous une bonne fois pour toutes, un jour, en bien, ou en mal…

Apparemment, ça n’arrivera pas.

A cause de ce foutu caniche de mes *biiip* !

Nan, en fait, ce n’était pas entièrement de sa faute…

Je vous explique.

Je venais de sortir à fond les ballons d’un bar tabac, parce que ma main avait « involontairement » attrapé trois paquets de clopes pour ensuite les « glisser » par accident dans ma poche… Et que le vendeur m’avait vue. Or, il y avait un flic dans la boutique. Vous pensez bien que je n’allais pas rester là, à attendre la voiture de police. Ni une, ni deux, j’ai pris mes cliques et mes claques et je me suis barrée.

Sauf que j’avais le policier aux fesses.

J’ai fait un joli marathon dans la rue, bousculant les passants, évitant les flaques et les bouches d’égout. Je distançais mon poursuivant parce que j’en avais l’habitude. Ce n’était pas la première fois que je subissais ce genre d’accueil. Aussi, je faisais moins attention au genre de personnes que je croisais. J’allais tourner au coin de la rue et… J’ai manqué écraser une  mamie. Vous savez, une de celles qui espèrent passer pour des femmes de 40 ans de moins en se barbouillant allégrement de maquillage plutôt voyant et en se teintant les cheveux en jaune pisse en espérant qu’on le verra blond parce qu’elles n’avaient pas de quoi payer la chirurgie esthétique. Celle là avait  en laisse un caniche bien frisé qui m’a regardé effectuer l’esquive de ma vie en poussant des couinements qu’il espérait faire passer pour des aboiements menaçants. Je n’ai même pas daigné lui jeter un coup d’œil. Par contre, j’ai du présenter moult excuses à Madame qui hurlait que je cherchais à l’assassiner. Problème : le flic pot de colle n’était pas loin. J’en ai eu marre et j’ai repoussé cette charmante vieille femme pour passer… Sauf que cet abruti de caniche est resté là où il était. Du coup, je me suis prise les pieds dans la laisse et je me suis royalement cassée la figure….Sur la route!

Conseil : Evitez à tout prix de tomber sur une route au moment pile où un camion de transport passe en grillant un feu rouge.

Je vous rassure, cependant, j’ai rien vu venir. J’ai à peine senti le camion qui me percutait et j’ai eu l’impression de planer après une bonne séance de fumette de cannabis.

Par contre, je ne vous raconte pas le mal de crâne quand j’ai repris connaissance.

Je me sentais vraiment bizarre, comme vide. C’est seulement lorsque j’ai vu un attroupement de gens près du camion arrêté, avec la police et une ambulance que j’ai compris. J’étais morte. Kaput.

Sur le coup, je dois avouer que ça m’a plutôt surprise. Je ne m’y attendais, mais alors, absolument pas. Se lever le matin en se disant « Tiens, je vais sans doute crever aujourd’hui ! »… Nan, définitivement pas. Pourtant, je n’ai pas été triste. Je ne m’entendais plus avec ma famille, qui selon moi, ne savait pas vivre pleinement. J’avais 17 ans, j’avais dormi dehors, j’avais volé, j’avais fumé des trucs plus où moins nets, j’avais bu… Mais j’avais vécu, quoi ! Je vous avoue une chose, j’ai toujours aimé découvrir de nouvelles choses. Alors la mort… Pff ! S’il fallait y aller, autant le faire en beauté ! M’enfin, j’avais quand même la honte d’être morte à cause d’un caniche ! Quand je vous disais que j’avais la poisse !

Sans hésiter une seule fois, j’ai fais demi-tour en abandonnant mon corps disloqué au milieu des CQR (les cons qui regardent). Cruelle, dites vous ? Non, je suis réaliste ! A quoi me servirait mon corps, maintenant ?

Je me suis rendue compte alors que je pouvais flotter, autrement dit, voler dans les airs. Douce sensation de liberté ! Je me suis mise à faire des loopings et à multiplier des pirouettes autour des grands immeubles de la ville, faisant d’horribles grimaces aux gens qui travaillaient devant leur bureau, engoncés dans leur tailleur et leurs costards cravates, aussi coincés que les feuilles dans les dossiers qu’ils se faisaient passer. J’aurais juré qu’ils se sentaient mal à l’aise lorsque je bavais allègrement sur la vitre en face d’eux.

Au bout d’un moment, je me suis lassée et j’ai filé vers les quartiers plus sensibles, chez les casseurs et les gangs. Et je crois bien qu’il y en a plus d’un qui a fait pipi dans sa culotte, ce jour là, lorsque sa bombe de peinture pour tags s’est levée toute seule pour marquer sur le mur « T’es un gros Nul ! »

Je me suis amusée comme une folle !. Il y avait une foule de choses à faire, qu’on n’osait pas faire avant par peur d’être puni. Bon, j’ai quand même été gentille, j’ai aidé une gamine qui se faisait embêter par des garçons, mais je crois qu’elle aussi a eu peur lorsque la poubelle s’est déversée toute seule sur leurs têtes d’abrutis… Je n’avais pas sommeil, je n’avais pas faim, ni soif, ni rien… Juste un besoin insatiable de faire des trucs auparavant interdits pour raisons d’éthique et de respect. Mais punaise, ça fait du bien de se lâcher comme ça, quand même !

Deux jours sont passés comme ça. Puis je me suis demandée ce qui se passait autour de mon corps et de ma famille, quand même, alors je suis retournée dans mon quartier pour y jeter un coup d’œil.

Il se trouve que je suis arrivée le jour de mon enterrement.

Très émouvant, très digne et très poignant…Je suis ironique !

J’étais curieuse, alors j’ai assisté à mes propres funérailles. A la fin du discours pompeux du curé, c’est mon père qui s’est avancé. Il a lu un texte qu’il avait écrit, semblait-il, mais qui m’a mise dans un tel état que les gens autour de moi se sont regardés sans vraiment y penser, comme gênés par quelque chose qu’ils ne pouvaient voir. Nan, mais franchement ! Qu’est ce que c’était que ce charabia ? Il comptait vraiment faire gober ça à tout le monde ? Il se foutait d’eux ! J’étais écroulée de rire devant la mauvaise foi incroyable de mon paternel. Il aurait vraiment du faire acteur, il aurait été parfait ! Il y avait même la petite larme et tout le tralala ! J’en pouvais plus, à la fin, surtout que ces idiots ont tous applaudi avant de sortir pour assister à la mise en terre.

Je l’avoue, cette cérémonie là n’aura pas été de tout repos pour les vivants. Lorsque celui qui était chargé de reboucher ma tombe a commencé son boulot, il a eu du mal à se concentrer, parce qu’un mystérieux courant d’air lui sifflait à l’oreille. J’ai arrêté de lui souffler de l’air pour ensuite me tourner vers mon père qui, bizarrement, s’est mit à rigoler. En pleine cérémonie funéraire de sa fille ! J’aurais chatouillé tout le monde, pendant cette mise en terre mouvementée, même le curé. Il n’y a que ma mère que j’ai épargnée, parce que je la connaissais assez pour savoir que c’était quand même de vraies larmes qu’elle versait pour moi.

Le soir est finalement arrivé, et avec lui la fête donnée « en mon honneur » comme disait mon père. Eh, bin, je vais vous dire, cette fête, je crois bien qu’elle a été l’une des meilleures organisées par mes parents ! Des assiettes précieuses ont disparu pour réapparaître, avec leur contenu, dans le sac de la grande tante Sophie, des canapés sucrés ont été remplis de moutarde (forte), les petits fours de shampooing, le grand cousin Matthias a retrouvé ses lunettes dans l’évier où marinait toute la vaisselle de la soirée et les plus grands crus ont été retrouvés plusieurs heures plus tard au fond de la mare, dans le jardin. Je me suis éclatée, je dois dire, c’était vraiment grisant !

Finalement, la fiesta funèbre a pris fin, et je me suis retrouvée vraiment seule pour la première fois depuis ma mort. Ce qui m’a alors frappé, ce fut le silence. J’étais complètement isolée, dans la nuit noire, avec pour seule compagnie des gens vivants et endormis au chaud dans leur lit et des chats errants qui ressentaient ma présence parce que je les voyais cracher et feuler dans ma direction. Sympa, les paillassons ambulants, merci !

Soudain, j’ai ressenti un coup de froid violent qui m’est remonté le long du dos et les lumières de la rue se sont éteintes. Je me suis retournée et j’ai eu la désagréable surprise de voir…La Mort. La Faucheuse elle-même, dans sa grande cape noire, avec sa faux dans une main et une cigarette dans l’autre (nan, nan, vous m’avez bien entendu !) qui me regardait d’un air agacé malgré ses orbites vides.

-C’est bon, t’as fini de courir partout ? Je n’ai pas que ça à faire moi ! , a-t-elle grincé.

-…Euh…Ouais, si tu veux !

-…Alors on y va !

Avant que j’ai pu dire quoi que ce soit, elle a ouvert son manteau et un rayon de lumière m’a frappé avec violence. Je me suis sentie partir en fumée, comme aspirée par les étincelles pures qui voletaient dans les airs. Je n’ai pas résisté. Je vous l’ai dit ! J’aime découvrir de nouvelles choses, après tout ! Bien que je le fasse à tort et à travers !

Coline Bonnard .( Nouvelle écrite en 2012)

photo: extrait “Carnaval” 1924 Francis Picabia 


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