“Des vertiges plein la tête”…ainsi dit Constance
J’étais arrivée en fin de parcours de cette exposition où peintres, sculpteurs et décoratrice avaient leurs œuvres mises en lumière dans le décor des pièces à vivre d’une ravissante demeure ancienne, lorsque j’avais été attirée par les coloris de quatre tableaux de petites dimensions.
D’où je les voyais ils m’apparaissaient abstraits. En me rapprochant au plus près, me méfiant de ma très grande myopie qui m’ a souvent joué des tours me faisant prendre « des vessies pour des lanternes », et bien arrivée au plus près, je me suis rendue compte que cette abstraction de couleurs vives étaient en fait un ordonnancement étonnant d’éléments figuratifs qui s’entremêlaient, se fondant dans un monde coloré et surréaliste.
Chaque encadrement de tableau devenait celui d’une fenêtre ouverte d ‘où le spectateur entrait dans l’horizon d’un paysage onirique, fantasmé, où les éléments naturels : végétation, animaux, personnages féminins étaient mis en scène. Tel celui où fleurs, oiseaux , entourent une belle et pensive jeune « femme-lapin » en contemplation devant une marguerite alors qu’elle-même semble émerger d’un amas racinaire dont le réseau filandreux symboliserait un système de transfusion de toute l’énergie de la vie émanant de la terre . Etait-ce une allégorie ? Allez-donc savoir ! Chacun pouvant se raconter son histoire ou chercher à deviner dans ces tableaux -rébus ce qu’avait voulu signifier l’auteure.
J’en été là dans ma contemplation, regrettant de ne pas avoir apporté mon appareil photo, quand je l’ai vue en conversation avec un couple admiratif, qui essayait de comprendre : le pourquoi et le comment de son travail.
« En ce moment, disait-elle, je travaille à la gouache avec comme support d’anciennes cartes marines. J’aime la qualité de ce support papier et les figures qui y sont représentées. Je n’ai jamais de sujet pré établi, simplement je m’installe … »
En l‘entendant j’ai pensé « C’est comme cela qu’elle s’évade, qu’elle part en voyage loin, jusqu’à l’horizon de ses rêves, qu’elle quitte le monde d’aujourd’hui et de ce que l’humanité en a fait… »
Je me suis approchée, lui ai demandé si elle accepterait que nous nous revoyons…j’avais vraiment envie d’en savoir un peu plus sur elle, j’avais la prescience qu’elle n’était pas originaire de la région, qu’elle avait du y atterrir par hasard… Elle m’a donné sa carte et plus tard nous avons convenu d’un rendez-vous.
…Elle était là…Je pensais qu’elle était à la fois très présente physiquement ; je posais des questions, elle y répondait volontiers et dans le même temps il me semblait qu’une partie d’elle était ailleurs : peut-être, était-ce cette part de curiosité qui s’éveille lorsque l’on est face à la rencontre de l’autre dans un lieu inconnu ?
Effectivement, comme je l’imaginais elle n’était pas originaire de la région. Elle, son mari comédien et leurs deux enfants s’étaient importés, au hasard, à Libourne. Après avoir vécus à Paris, ils avaient décidé de s’en échapper fuyant le bruit, la promiscuité, rêvant d’avoir une maison assez grande avec un atelier pour elle, un jardin pour les enfants, de l’espace pour respirer, enfin vivre normalement.
Et pourtant s’il n’y avait pas eu Paris elle n’aurait pas eu cette formation artistique à l’ E.S.D.I (Ecole Supérieure de Design Industriel) faite de rigueur et de créativité qui l’a conduite à devenir designer –plasticienne mais aussi peintre. Cette école qu’elle a adorée, dit-elle, en raison des échanges, des rencontres entre étudiants, mais aussi avec les enseignants, dont celui qui lui a fait découvrir la sérigraphie. Puis elle a débuté une carrière en envisageant d’abord de ne travailler que pour le théâtre « si poétique » pour elle, jusqu’au jour où elle a été sollicitée pour créer des décors pour le cinéma « plus drôle » mais aussi plus rémunérateur ; le théâtre, toujours passionnant, restant le parent pauvre avec souvent des moyens financiers insuffisants ! Et puis en prenant la mesure de son métier, décidée à se libérer des contraintes hiérarchiques, elle a choisi de retrouver son indépendance en tant que plasticienne. Comme de nombreux artistes et designers, associée à un cabinet d’architecture, elle a répondu aux appels d’offres, gagné des concours, réalisé des expositions, monté des évènements prestigieux tel celui de « La Grande Crèche » de Notre Dame de Paris qui lui a fait découvrir tout un monde insoupçonné. Elle a œuvré pour les Monuments Historiques parisiens et participé à la restauration de la Place de la Concorde, du Petit Palais …Éclectique, après « les grands travaux » elle s’est davantage intéressée au graphisme, à la peinture.
Dans le même temps, il y avait le quotidien banal, avec la famille, les enfants qui grandissent, l’appartement en périphérie, le manque d’espace, les transports interminables, bref tout ce qui rend la vie insupportable à proximité de Paris.
Alors le couple a décidé d’aller s’ancrer ailleurs, et ce fut au bord de la Dordogne à Libourne. Libourne cette ville moyenne pétrie d’Histoire, riche en patrimoine bâti qui contribue à un certain art de vivre et néanmoins très bien pourvue en équipement et services publics, sauf qu’il manquait peut-être un peu plus de lieu culturel et pourquoi pas un théâtre ?
Cette ville devait les attendre, et il est quelquefois des hasards heureux.
La base d’avirons de Libourne, installée au bord de l’Isle sur la commune limitrophe de Fronsac, était en quelque sorte « tombée à l’eau ». Pour ce couple dont le mari, comédien de métier, en voyant le grand bâtiment qu’était l’ancien hangar à bateau x laissé en déshérence, l’opportunité était là : celle de créer un théâtre. L’espace était suffisant pour en faire un de 100 places, avec toutes possibilités pour être en conformité avec toutes les normes de sécurité : incendie, inondation, accueil du public, des handicapés etc., et pouvoir installer loges, coulisses, scène surélevée, cabine de projection, mais aussi avoir des espaces de rencontres pour les « ateliers théâtre », « d’improvisation » en périodes scolaires, et encore un lieu convivial autour d’un point de restauration tenu aujourd’hui par un Italien. Et c’est ainsi qu’est né le « Théâtre Baz’Art », un rêve fou… Une idée de fous prédisaient les détracteurs toujours prompts à carillonner les mauvais augures !
Et Constance dans tout ça ? Naturellement depuis le début elle a été présente, en quelque sorte à la fois « à la foire et au moulin » assumant également la présidence de l’association « Muses et Samouraï » créée pour l’occasion afin d’assurer de façon collégiale le bon fonctionnement de l’ensemble « Baz’Art ». Une fois le théâtre devenu opérationnel, ce qui ne fut pas une mince affaire, depuis deux ans elle s’est remise à peindre, allant chaque jour dans son atelier. Car dit-elle : « Pour exposer c’est indispensable de travailler sans cesse – Pourquoi, en ce moment, avec comme support le papier d’anciennes cartes marines ? J’aime ce support papier avec des inscriptions dessus ; cette relation particulière au papier qui a et qui raconte déjà une histoire. Il y a des moments où je sais très bien ce que je veux faire ; en fait, je fonctionne par cycle. Là, au départ il y a la gouache, le graphisme celui d’une carte marine, et c’est comme un coloriage où le dessin arrive ensuite en superposition avec la couleur. J’aime les couleurs lumineuses et gaies celles qui me permettent de me projeter vers un ailleurs pour aller au bout de « mes vertiges » peut- être… d’ailleurs le réalisme ne m’intéresse pas ! »
Colette Lièvre.
Pour en savoir plus :
Constance Malaquin : Site : www.constancemalaquin.com
Sur le théâtre BAZ’ART. Site : www.le-bazart.com