Le Castrum de Pommiers

Posté le 19/05/2013 dans Histoire.

Pommiers : la ville d’Ys de l’Entre-deux-Mers.

Parmi les multiples joyaux de pierre de l’Entre-deux-Mers, l’un d’eux brille de l’éclat particulier qu’entretient le mystère : qui donc a jamais franchi la herse de la ville de Pommiers ?

Derrière ce modeste arbre fruitier qui orna pendant des siècles le blason des seigneurs parmi les plus redoutables chefs de guerre de leur époque- l’un d’eux fut décapité en place publique à Bordeaux en 1377 pour haute trahison- se cache une des plus étranges histoires de ce terroir, un de ses plus excitant secret.

Un promontoire rocheux, un ruisseau qui coule au pied…On pourrait être à cent lieux divers de l’Entre-deux-Mers, mais ce fut là, dans la petite paroisse de Saint Félix, au-dessus du ruisseau du Vignague, que s’éleva peu après l’an mille une motte cadastrale. Une parmi d’autres, sans rien de bien particulier, monceau de terre et bouts de bois ; dont toute trace s’est perdue – sinon qu’au dix-huitième siècle existait encore une « maison dela Motte », une « rue qui conduit à la maison dela       Motte »…Les anciens terriers livrent mille informations à l’historien attentif.

Des surprises aussi ; Une rue ! C’est que s’était vite formé, par agglomérat successif de maisons autour du château primitif, tout un petit habitat groupé vivant, pour et par la forteresse le « castrum de Pommiirs » – ce que les historiens appellent un castelnau.

Mais tout avantage à ses revers. Ceux de Pommiers lui furent fatals quand vinrent les guerres de Gascogne, dont la fête finale est mieux connue sous le nom de guerre de cent ans. En l’an de disgrâce 1303, une troupe  de gens d’armes passa le Vignague, amenant la mort et la désolation. Du château de Pommiers, de son bourg, ils ne laissèrent rien debout, « chastel  et maisons furent abattus  et mis en terre ».

Le site aurait pu rester « en ruyne et en désert » comme si souvent ailleurs si le seigneur de Pommiers ou ses descendants n’avaient décidé de le relever. Ont-ils suivi l’ancien tracé ? L’ont-ils agrandi ? On ne sait. Mais dans les vingt cinq années qui suivirent le désastre, c’est une immense et superbe enceinte triangulaire de près de cinq cents mètres de long ; faite de belles pierres appareillées, avec courtine, bretèche, tours, portes fortifiées, munies de herse qui fut édifiée- en tout point semblable à l’enceinte de la toute nouvelle bastide voisine de Sauveterre de Guyenne.

Une superbe enceinte, enveloppant sur plus d’un hectare ce que les terriers du dix-huitième appellent encore la « ville » de Pommiers : non seulement le château, mais toute une bourgade, avec ses rues, sa place sa halle à arcades !

Rien de bien rare, dites-vous ? Certes, on connaît en Entre-deux-Mers de nombreux bourgs fortifiés tel celui-là, de création spontanée, bien avant l’érection des bastides. A un détail près pourtant. Partout ailleurs,  les fortifications ont été peu à peu abattues et l’habitat médiéval a cédé le pas à des constructions plus modernes qui masquent la disposition de l’habitat primitif.

A Pommiers, l’évolution a été toute autre. La superbe enceinte est toujours debout mais c’est le village qui a disparu. Enfin disparu… Il est là, sous les herbes folles de la prairie, belle au bois dormant que rêvent de réveiller les historiens – archéologues, spécialistes du Moyen Age pur il est, perle sans prix « le seul bourg castral de l’Entre-deux-Mers préserve de toute descendance[1]. » Bref un terrain de recherche idéal pour ceux qui voudront étudier, dans les temps futurs, la morphologie grandeur nature et sans doute à peu près pure d’un bourg médiéval.

Pour les autres, pour ceux qui passent encore la herse de la « ville » de Pommiers, il y a d’abord comme à la Sauve Majeure, le romantisme absolu de cette immense enceinte médiévale derrière laquelle on entend encore comme le brouhaha d’un bourg, le tintement des clochettes et l’aboiement des chiens.

Bernard Larrieu. Historien .

Nota : cet article est déjà paru dans le n°1 des Cahiers de l’Entre-deux-Mers en mars 1994

Chaque année, le Castrum de Pommiers, à Saint Félix –de – Foncaude, retrouve les couleurs de la vie au Moyen Age en participant au festival « Itinérance médiévale de la vallée du Dropt » , cette année ce sera le 18 août !

 

 



[1] Le site de Pommiers a d’abord été décrit « Château des plus grands et des plus intéressants du département » par Léo Drouyn, dans sa Guyenne Militaire. On se rapportera surtout à l’article de fond qque nous avons utilisé, de Melle Sylvie Faravel, dans les Cahiers du Bazadais (2ème trimestre 1991) « La Seigneurie, le château et la « ville » de Pommiers » qui fait le point des connaissances actuelles sur cet édifice et son histoire.


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