Le défi du XXIème siècle

Posté le 09/04/2020 dans Environnement.

Une vision écologique du monde.

“Dans la vision moderne du monde, tous les bienfaits viennent essentiellement de l’homme et sont les produits du progrès scientifique, technique, industriel, rendus disponibles grâce au système du marché.[…]La société elle-même est considérée comme fabriquée par l’homme, issue d’un « contrat social ». Selon les mêmes critères, la richesse d’un pays est mesurée par le Produit National Brut (PNB) par habitant qui permet d’évaluer grossièrement sa capacité à fournir aux citoyens toutes les marchandises produites par l’homme, principe fidèlement reflété par l’économie moderne.

Pour les économiste formés à cette approche, les bienfaits naturels dispensés par le fonctionnement normal des processus biosphériques qui garantissent la stabilité du climat, la fertilité des sols, la reconstitution des réserves d’eau souterraines, l’intégrité et la cohésion des familles et des communautés, ne sont pas considérés comme des richesses ; les économistes ne leur attribuent en effet aucune espèce de valeur. La privation de ces non-bénéfices ne peut donc pas constituer un coût, et les systèmes naturels qui les fournissent peuvent être détruits en toute impunité économique.

Parmi les économistes, même ceux qui voient toute l’absurdité du système comptable persistent à nier que la destruction de l’environnement soit problématique, car ils ont appris à penser que le marché, en conjonction avec la science, la technique et l’industrie, est capable de pallier « toute pénurie de ressources »[…]

Un principe de base de la vision écologique du monde est que les bienfaits véritables, et donc la richesse réelle, proviennent au contraire du bon fonctionnement du monde naturel et du cosmos Nos plus précieuses richesses sont le climat favorable et stable, les forêts, les savanes et les terres agricoles fertiles. Les rivières et les ruisseaux, les sources et les réserves souterraines, les marais et récifs coralliens, les mers et océans et les myriades d’espèces vivantes qui les peuplent- voilà ce qu’il faut considérer comme nos véritables richesses.

Nos lointains ancêtres qui vivaient dans cette extraordinaire richesse sans la piller, sont fréquemment décrits comme pauvres et malheureux. On les dépeint comme souffrant de malnutrition chronique, vivant en permanence au bord de la famine. Rien n’est plus éloigné de la vérité!

 L’inimaginable richesse biologique offerte par l’immense territoire que recouvrent maintenant les Etats- Unis est bien décrite par John Bakeless (1894-1978). Dans les grandes plaines, où l’agriculture moderne a fait disparaître la plus grande partie de la végétation d’origine, et dont la couche d’humus subit une érosion si rapide que dans moins de trente ans il n’en restera plus que des pâturages appauvris, on voyait :

..Des prairies pleines de bisons qui défilaient en troupeaux des journées entières, des élans majestueux sur les rives des lacs, et des daims en tous lieux. La vigne sauvage couvrait une grande  partie de la forêt orientale ; on trouvait des fruits sauvages de toutes sortes, des poissons en abondance dans les lacs et les rivières ; des huitres de 25 centimètres de long ou plus en grappes énormes, que les heureux habitants de l’île de Manhattan n’avaient qu’à sortir des eaux claires devant leur porte, des langoustes de plus de 10 kilos faciles à capturer ; les dindons sauvages étaient si nombreux que leur glouglou matinal était assourdissant ; les vols de pigeons voyageurs assombrissaient littéralement le ciel. Il y avait des coqs de bruyère, des faisans de la prairie, des canards de toutes espèces, des oies sauvages si intrépides qu’elles essayaient parfois d’attaquer les chasseurs !… »

En Afrique, le continent où la famine est devenue chronique, et où, pour la seule année 1991,27 millions de personnes étaient menacées de mourir de faim, les disettes semblent avoir été jadis inhabituelles. L’ethnologue Richard Lee certifie que les Bochimans Kungs du désert de Kalahari avaient une alimentation très suffisante, souffrant rarement de privations…Mungo Parks(1771-1806) dans ses « Voyages en Afrique » raconte que le fleuve Gambie regorgeait de poissons et que d’une main généreuse « la nature avait dispensé aux habitants de la région, les bénédictions de la fertilité et de l’abondance ». Deux voyageurs français du XVIIIe siècle, Poncet et Bredevant, signalent dans la région de Gezira, au Soudan, aujourd’hui recouverte de champs de coton appauvris par l’érosion « De  belles forêts d’acacias en fleurs remplis de petits perroquets verts et des plaines fertiles et bien cultivées » : le nom de cette région est le Pays de Dieu (Belad-Allah) »en raison de sa grande abondance »[…)

Même si nous devons reconnaître que la malnutrition et la famine n’étaient pas le sort commun de l’homme tribal, nous persistons à croire qu’il était pauvre car privé des biens matériels et de la technologie. C’est encore une illusion. Durant environ 95% de son séjour sur terre, l’homme a vécu en chasseur-cueilleur, en agriculteur itinérant ou en pasteur nomade. Pour le nomade, les biens matériels que nous assimilons à la richesse sont avant tout un fardeau » qu’il trouve cruellement gênant » et ce d’autant plus qu’il doit le transporter longtemps.

Lorsque Laurent Van der Post voulut donner un cadeau à ses amis Bochimans en témoignage de gratitude pour leur hospitalité, il ne trouva rien à leur offrir :

« Nous étions humiliés de réaliser combien, il y avait peu d’objets que nous puissions offrir aux Bochimans. Presque tout semblait leur rendre la vie plus difficile en ajoutant au fardeau qu’ils avaient à transporter chaque jour.  Ils n’ont pratiquement aucun bien propre : un pagne, une couverture de peau et une sacoche de cuir. Ils ne possèdent rien qu’ils ne soient capables de rassembler en un clin d’œil, d’emballer dans leurs paniers et de porter sur leurs épaules pendant un voyage de 1000 kilomètres. Ils n’ont aucun sens de la propriété… »

Nous ne saurions être le plus éloignés que nous le sommes de cette attitude. Notre appétit de biens matériels et de gadgets technologiques paraît insatiable. De fait, c’est à leur possession que nous évaluons généralement notre richesse et même notre bien-être. Il est sans conteste vrai qu’une grande quantité de biens matériels et de technologie nous sont aujourd’hui nécessaires ; pourtant cela n’est pas dû à un besoin intrinsèque, mais au fait que dans les conditions de vie aberrantes qui sont les nôtres nous jugeons ces biens indispensables pour satisfaire nos besoins biologiques, sociaux, spirituels et esthétiques.- Nos besoins réels ? L’automobile était un luxe à l’époque où elle a été inventée. Mais à partir du moment où chacun en possède une, il apparaît normal de parcourir des distances de plus en plus grande pour se rendre au travail, conduire les enfants à l’école, faire ses achats au centre commercial ou aller se distraire. La voiture est devenue une nécessité !1 […]

Extrait de : Le défi  du XXIe siècle- Une vision écologique du monde.-Gaïa est source de tous les bienfaits-p190-195- Edouard Goldsmith. Editions du Rocher (1994)

Cet état de confinement que nous vivons actuellement peut être aussi un espace temps de réflexion sur ce qui fait l’essentiel de l’existence, de notre vie. Cette vie dont on mesure soudainement la fragilité. Certains prédisent déjà, que rien ne sera plus comme avant lorsque cette pandémie aura pris fin…certes les États auront alors à faire face à la reprise en mains d’une économie mise à mal, mais comment s’effectuera cette reprise en mains ? Prendront-ils comme acquis que les hôpitaux, services de santé ne se gèrent pas (-plus) comme des entreprises du CAC40, que la remise en place de certains et vrais services publics qui sont indispensables pour assurer la cohésion d’une nation est plus essentielle que l’installation d’une 5G permettant à chacun de discuter avec son frigo etc, etc…A nous tous de réfléchir !

Colette Lièvre.

 

 


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