Pendant ce temps long du confinement l’Éducation Nationale s’est trouvée confrontée à de multiples problèmes de réorganisation afin de pouvoir, malgré Covid19, répondre à sa mission première « l’enseignement de tous les élèves »…Tous ? Hélas non, certains se sont «évaporés » dans leurs espaces familiaux, confinés eux aussi, et aussitôt authentifiés comme « décrocheurs »-
Des décrocheurs ? Il y en a toujours eus, sauf qu’ils ne pouvaient s’évader de l’espace clos de la classe, à moins que, d’en certains cas « extrêmes », à en être virés par l’Institution !
Les mauvais jours
Dieu que j’ai détesté l’école
Passé cet âge où tout est beau
Où les mots c’est toi qui t’y colles
Inscrits en blanc sur le tableau
Vous font durablement misère
Vous étiquettent, vous tatouent
Vous humilient tas de pervers
Je vous ai haïs plus que tout
Pourtant j’aimais la connaissance
Je dévorais tous les ouvrages
De poésie ou de romance
De religion ou de naufrage
Tandis qu’aux stalles empaillées
Où l’on me forçait à m’asseoir
N’étaient que cris mots détaillés
Comme carcasse à l’abattoir
On m’y proposait du diplôme
Ni du bonheur ni du savoir
Des titres pour diriger l’homme
Tous les ingrédients du pouvoir
La dialectique et les rites
Les mensonges aseptisés
De quoi s’insinuer aisé
Dans le costume de l’élite
On disait tout travail est noble
C’était une clause de style
Hors de la banque ou du vignoble
Du tribunal ou du concile
Point de salut point d’élégance
Point de réussite assurée
Point d’aisance dans la finance
D’œuvres et de pompes cirées
Plantés sur l’estrade, des troncs
Agitaient en canon leurs branches
Alors qu’en face j’étais prompt
À exiger qu’on me débranche
Qu’on m’autorise à respirer
Autrement que sous assistance
Qu’on cesse de me transfuser
L’adulte en place de l’enfance
Mais rien à faire, la prison
De certitude inébranlable
Dans les chaînes de la raison
Tenait serré l’invraisemblable
Et mes rêves, pauvres moineaux,
Coupables de naïveté
Repassaient aux confessionnaux
Leur examen de pureté
Volaient des notes, des sentences
Pénitences et punitions
Tout ce qui rime avec souffrance
Châtiments et humiliations
Puis parfois pour que l’âne avance
Un compliment en filigrane
Avec pour toute récompense
Une tape au sommet du crâne
Et les jours s’égrenaient, ces jours
Dont je n’aurais jamais assez
S’étriquaient. Pitié. Qu’on ajoure
Le mur que je puisse y passer
La tête, un bras ou juste un mot
Mais répété comme une toux
A l’infini dans ce tombeau
Un petit non de rien du tout.
Benoît Leuret.
Ce poème est extrait de « La lettre des Poètes en Berry »spéciale restons prudents du 29.05.2020.N°10 – cette dernière envoyée par un fidèle et très ancien lecteur des petits Cahiers : Didier Trumeau, lui-même poète et écrivain : son dernier roman « Le Baron», pour les amateurs de roman noir, paru aux Editions « Le Contentieux », 7 rue des Gardénias 31100 Toulouse
tél : 06.31.94.58.63–
Pour en savoir plus et mieux :
Contact : .
https://lecontentieux.blogspot.com
Amusé de voir un de mes textes sur votre site, dont j’avoue que j’ignorais l’existence mais que je viens de parcourir avec plaisir.
Bonne continuation