Au moment où le gouvernement nous annonce qu’il va falloir faire encore un effort supplémentaire de 10 milliards d’euros d’économie budgétaire en 2014 pour combler la fameuse dette publique, ce qui pourrait se traduire par une nouvelle augmentation des impôts sur les classes moyennes, le citoyen moyen, très moyen de cette même classe se dit qu’il est peut être urgent de s’interroger sur la pertinence de certains grands projets qui pourraient être reportés voire revus à la baisse selon d’autres paramètres. C’est ce que rappelle la Coordination Vigilance LGV dans cette lettre ouverte au Président de la République.
Coordination Vigilance LGV Monsieur le Président de la République
Palais de l’Élysée
55, rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 Paris.
Dimanche 27 janvier 2013.
Monsieur le Président,
Lors de votre visite à Bordeaux le jeudi 10 janvier 2013, vous avez déclaré « En Aquitaine, il y a les 250 km de ligne à grande vitesse entre Tours et Bordeaux et puis même la suite, même si je sais qu’il y a quelques endroits où c’est toujours difficile, mais ça passera parce que ça doit passer. C’est l’avenir. » Ces propos ont été unanimement interprétés par la presse comme une réponse favorable au lobbyisme industriel et comme un soutien personnel à la mégalomanie de notre président de région. Les populations qui se sont largement exprimées lors des débats publics ainsi qu’en organisant les plus importantes manifestations qu’aient connu nos territoires, ne peuvent se satisfaire de cette déclaration qui peut légitimement apparaître comme une démonstration d’autoritarisme. Nous avons de très bonnes raisons de nous opposer à la construction de lignes ferroviaires à grande vitesse. Ces raisons sont argumentées, étayées par des études indépendantes et validées par des services de l’État. Nos propositions de rénovation du réseau existant répondent aux besoins de la population.
Le développement des LGV contribue à la dégradation de l’ensemble du réseau et du service ferroviaires.
Les Assises du Ferroviaire de décembre 2011 appellent l’État à mettre en oeuvre « un moratoire sur tous les futurs projets de LGV » (y compris l’arrêt de nouvelles études), « dans l’attente de la réalisation d’une programmation qui garantisse au préalable le financement de la remise à niveau et de la modernisation du réseau actuel ».Cette commission gouvernementale a planché sur les priorités qui doivent, à long terme, « reconnaître la rénovation du réseau comme une priorité absolue ». « Devant les fortes incertitudes sur la rentabilité des futures LGV », la course « irraisonnée » à l’extension du réseau à grande vitesse est « le signe révélateur d’un modèle économique qu’il est vital de réinventer aujourd’hui ». Ceci vient corroborer les rapports de la Cour des Comptes, du Comité d’Analyse Économique et des commissions parlementaires du Sénat et de l’Assemblée Nationale. Ce modèle LGV ne parvient plus à convaincre, « l’évaluation socio-économique des projets » est « à confier à une expertise tierce au porteur de projet ».
« Trop de TGV risque de tuer la SNCF et le système ferroviaire français » – « Chaque jour, 9 clients sur 10 de la SNCF voyagent sur un autre train que le TGV ». (Propos de Guillaume Pépy, Président de la SNCF.) La construction de LGV ne répond pas au besoin de plus en plus pressant d’une offre de transport en commun de proximité efficace et desservant l’ensemble du territoire. Des coûts qui explosent ! Le coût estimé de la LGV Bordeaux-Toulouse a augmenté de 169 % en 6 ans, dépassant les 7,8 milliards d’euros. La Cour des Comptes précise que les ressources seront insuffisantes pour financer le programme des LGV .
« le programme d’investissement devrait donc être adapté, en tenant compte tant de la situation des finances publiques que de la nécessité de moderniser et de mieux entretenir le réseau existant ».
La délégation de service public pour la réalisation et l’exploitation de la LGV Tours-Bordeaux est de ce point de vue un véritable scandale. Selon les informations publiées dans la presse locale, elle organise ce que l’on peut considérer comme un détournement des finances publiques au seul profit du privé en assurant des rentabilités garanties par l’État de 15 % sur 50 ans pour un investissement en fonds propres de seulement 10 % du coût total et en imposant des péages insupportables à la SNCF. Il est urgent qu’en matière de grands travaux, l’État assume de nouveau toutes ses responsabilités, aussi bien au niveau de la maîtrise d’oeuvre que du financement, au service d’une réelle utilité publique. Bien que ne représentant que 7% du réseau ferroviaire total, les LGV absorbent à elles seules la quasi-totalité des investissements.
Les études indépendantes, une vérité qui dérange. Ainsi l’exemple de l’étude indépendante sur Bordeaux-Toulouse a démontré :
- Que la capacité de la ligne actuelle modernisée était suffisante pour supporter la croissance des flux de passagers prévue par le projet, comme le confirme le Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable ;
- Que pour un coût trois fois moins important, la modernisation de la ligne permettrait :
– Des performances sensiblement équivalentes à une LGV ;
– Une bonne desserte du territoire au plus près des besoins de la population, l’utilisation des gares existantes, la conservation des accès grandes lignes ;
– L’amélioration de la sécurité avec la suppression de plus de 120 passages à niveaux et la diminution des nuisances sonores pour les riverains ;
– La sauvegarde de l’environnement naturel et agricole ;
– Une consommation d’énergie maîtrisée, avec plus d’un tiers d’économie ;
– Un bénéfice immédiat pour l’ensemble des usagers en commençant par la majorité de la population résidant à proximité des lignes existantes.
Fort de ces conclusions, les Conseils généraux du Lot-et-Garonne et du Gers ont décidé de ne pas financer la LGV Bordeaux-Toulouse.
Cela démontre que, lorsqu’un ensemble d’élus fait abstraction des pressions de la hiérarchie du parti, que ces élus ont connaissance des dossiers et qu’ils décident en leur âme et conscience, la perception de l’utilité d’un tel projet n’est manifestement plus la même. Lors de la consultation du public réalisée par Réseau Ferré de France (RFF) fin 2011, sur les 5629 réponses reçues, 5472 ont remis en cause l’opportunité du projet de LGV. Des études analogues et conclusions convergentes ont été faites sur la liaison Bordeaux-Espagne.
LGV, des projets d’un autre temps. Les LGV sont les vestiges du mythe de la vitesse à tout prix qui prévalait à la fin du siècle dernier. Depuis, comme vous ne pouvez l’ignorer, les réalités socio-économiques ont radicalement changé. Cela fait maintenant plus de six ans que le transport en France n’a non seulement pas augmenté mais a stagné voire diminué comme nous le montrent les statistiques du commissariat général au développement durable. Les études réalisées pour justifier les projets de LGV sont donc aujourd’hui totalement obsolètes. La construction du projet SEA nous démontre le désastre écologique et humain causé par un tel chantier. Le projet GPSO représente 417 km de lignes supplémentaires, soit au total 800 km de lignes nouvelles. Ce qui représente plus de 8 000 hectares de nature et de terres agricoles détruites, de quoi nourrir 32 000 personnes selon l’ADEME. Comment peut-on affirmer de façon totalement irrationnelle que les LGV sont notre avenir ?
Monsieur le Président de la République,
Nous vous demandons de traduire votre souhait de changements par des actes, en résistant aux lobbies pro-LGV et en prônant un développement raisonnable qui passe par la modernisation et la rénovation du réseau ferroviaire existant et le respect de nos territoires.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre profond respect.
Coordination vigilance LGV – BP 3 – 33720 LANDIRAS